Poser avec trois porcelets tachetés dans les bras en guise de pochette d’album est une démarche plus qu’artistique. Un coup à atterrir dans le top ten des couvertures les plus risibles de l’année. Sauf lorsque le gang en question se baptise Shame. Faisant partie des premières livraisons estampillées “2018”, ces jeunes Londoniens sont prêts à essuyer les plâtres, d’où (peut être) cette jaquette décalée. Audacieux et décomplexés, ils offrent Songs of praise, un bouquet de chansons où les opposés s’attirent : urgentes mais réfléchies, brutes et ciselées, … de quoi être couvertes de louanges.
« Le feu et la fureur » …
… ou comment mettre tout le monde d’accord en 39 minutes chrono. (…) Shame n’est pas à proprement parler un nouveau groupe qui vient d’apparaître sur nos radars. Déjà en 2016, nous passions à l’antenne de Sensation Rock les remarquables Gold hole ou The lick. En février 2017, le groupe fut à l’affiche de Génériq, puis quelques mois plus tard au programme des Eurockéennes de Belfort, festival au cours duquel il avait livré une prestation sans concession le jeudi.
Avec Songs of praise le quintet franchit donc un cap en condensant toute son énergie sur une galette. Et avec Dust on trial, quelle entrée en matière ! Le son est résolument abrasif et punchy. Une constante dans cet album, véritable florilège de titres rugueux, comme des hymnes bagarreurs débordants d’énergie et traversés par une tension qui flirte toujours avec le point de rupture. Les guitares décapantes sont accompagnées d’une basse tenace, oeuvrant telle une colonne vertébrale sur Concrete et Lampoon. Condensé de punk aiguisé, bruitiste (Donk) fonçant à bride abattue, de new wave plus lente, vénéneuse, éthylique (le très stonerosien The lick), voire groovy (Tasteless, Friction), Shame danse autour des grands totems du genre : The Clash, The Stooges, New Order et bien d’autres plus récents comme The Libertines.
… au cœur du chant.
Au sein de cette bande de sales gosses prêts à en découdre, il y a surtout Charlie Steen. Au-delà de son attitude et de son regard troublant, à certains égards proche d’un John Lydon, il y a cette voix furieusement changeante. Vicieuse et troublante durant les passages calmes (Dust on trial), elle devient grasse et naturellement saturée lorsque retentissent les refrains hurlés sans aucune retenue. Alors le stade londonien, le pub du coin de la rue et les effluves de houblon apparaissent (One Rizla). Véritable boule de colère avec la rage aux lèvres, le frontman appartient à la fratrie des teigneux, des rentre-dedans comme Frank Carter, Joe Talbot et bien sûr Francis Begbie dans Trainspotting. Dans cette rixe sonore, le groupe s’offre toutefois une issue plus douce, matée de britpop avec Angie. Preuve si l’en fallait une que ces jeunots ont plus d’une corde à leur arc.
Songs of praise est une anthologie de musique hargneuse made in UK, toujours à fleur de peau. Dans une veine proche de celle de leurs contemporains IDLES, Shame vient asséner quels crochets à l’auditeur comme une horde houligane après une virée au stade. Brutale, vicieuse et addictive, telle est la recette des Londoniens. L’un des disques majeurs de l’album 2018. Une affirmation prématurée? Les paris sont lancés.
-Benoît GILBERT
Crédits photos: Eric
(Shame, One Rizla)
Artiste : SHAME
Album : Songs of praise
Label/distribution : Dead Oceans
Date de sortie : 12/01/2018
Genre : post punk
Catégorie : Album rock