Vendue comme un blockbuster hollywoodien, « The Crimson idol 25th anniversary world tour » – Re idolized, la tournée européenne de W.A.S.P. avait sur le papier comme des airs de moment immanquable. La preuve, c’est avec grande peine que l’on trouve une place, sauf à perpète de la salle de concert. Même si le show strasbourgeois n’est pas à guichets fermés – comme le furent 19 des 29 précédant ce soir – il y a foule. Et à la vue des voitures, le gros des spectateurs a franchi le Rhin.
19h30, la Laiterie se pare de noir. Beast in Black amorce la première partie devant un public nombreux. Le groupe originaire d’Helsinki ne cache pas son plaisir d’être là et d’assurer le rôle de chauffeur de salle. Sur scène trônent de nombreux visuels de leur album Berseker, proposant un félin bipède, bourré aux stéroïdes et méchamment remonté, brandissant une hache surdimensionnée dans un décor fantastique de désolation. Voilà pour la mise en scène manowarienne qui doit égayer un espace largement encombré par le matos des héros de la soirée. Une imagerie qui colle mal, voire qui glisse sur la musique des Finlandais, une vague resucée de metal symphonique à la Nightwish sur un canevas des années 80. En marge des boucles de synthé, de la voix quasi féminine de Yannis Papadopoulos, les soli quasi-inhumains démarrent au quart de tour. De la démonstration, des harmoniques artificielles mais peu d’intérêt (ah si, l’onanisme du shredder), le tout s’enchaînant avec le thème principal, synthétique – accessoirement programmé par le batteur sur son ordinateur portable – un demi-ton au-dessus, s’il vous plaît. Si l’on ajoute à cela les poses exagérées, l’Eurovision n’est plus très loin. La Finlande : 10 pts. Mouais, quand on sait que leur label, Nuclear Blast, a également dans son catalogue Blues Pills. Et Nightwish. Ah oui, on comprend mieux. Cerise sur le gâteau, semblable à un collectionneur de cymbales, pas peu fier d’exposer sur son immense rack toute la gamme de son fournisseur, le batteur frappe sur une caisse claire directement reliée à une réverbération des plus urticantes. Bref, merci mais non merci.
Bien que le matériel et le décor soient déjà en place (de part et d’autre de la scène, de grands étendards pourvus de scies circulaires tombent du plafond jusqu’aux amplificateurs), le changement de plateau paraît bien long. Faisant les cent pas entre le hall et la salle, une affichette no crowdsurfing se fait récurrente. Placardée partout et relayant l’info largement répétée dans les files d’attente (« pas de slam ce soir et on ne s’approche pas de la scène ! »), on était en droit de s’attendre à quelque chose qui justifie tant de précautions. Spoil : rien de tout cela, même pas une pyrotechnie aussi modeste soit-elle. Rien! Nada! Bon, …
Comme toute rockstar de son rang, Blackie Lawless débarque avec plusieurs minutes de retard sur le programme fixé ; une anecdote qui pesera en fin de compte. A grands renforts d’écrans, pas moins de trois, le film du concept album démarre, telle une grosse production, avec son générique, les crédits et tout le tintouin. L’homme providentiel est ENFIN là, le dos tourné à son public avant de se lancer en avant pour The Titanic overture. Blackie ! Blackie ! qu’ils ne cessaient de répéter. Et pourtant ledit Blackie demeure placide, sans émotion réelle, comme broyant du noir. Lorsque le morceau s’emballe au rythme des roulements interminables de Mike Dupke, qu’il ponctue sur de rutilantes cymbales rouges, rebelote, le frontman se détourne de l’assistance.
Entrecoupés par une narration, les titres s’enchaînent au gré de l’image portée sur les écrans. Le héros Jonathan Steel, malgré sa gloire artistique, revit tour à tour les tourments de son existence jusqu’à atteindre un point de non-retour. Sur The great misconceptions of me le jeune homme se pend sur scène à l’aide des cordes de sa guitare. Une tragédie des temps modernes. (…)
Les lumières proposées ce soir sont statiques et dominées par le rouge criard. Un artifice cosmétique qui vise à masquer la réalité, à savoir de conséquentes couches de fond de teint sur le faciès de la rockstar de 61 ans. On a beau aimer le make up dans le glam et le hard rock, ici c’est un véritable cache-misère. Finalement les genouillères et bottes à franges blanches, tranchant nettement avec le reste de la panoplie noire, sont aussi de bien maigres prétextes à attirer l’œil ailleurs. Pis, au-delà des apparences trompeuses, c’est la voix du seul membre originel de W.A.S.P. qui peine à grimper dans les aigus et se fait hasardeuse lors des plaintes riches en tremolos. Heureusement, la réverb et le secours apporté par son guitar hero de droite lui sauvent la mise. L’honneur est sauf devant ce public acquis et ultra discipliné par rapport aux interdictions du jour.
Alors comment sauver ce Titanic dans cette nuit glacée d’octobre ? Tout d’abord même avec 25 ans de plus, cet opéra-rock est toujours excellent. Les titres sont imparables, beaux même, notamment les plus mélancoliques (The gypsy meets the boy, The idol). Les compagnons de route de Lawless sont pointus, tant Mike Duda à la basse, que le puissant batteur derrière ses fûts et évidemment Doug Blair, qui reproduit à la perfection les sublimes soli qui jalonnent The crimson idol. Durant tout le show, le guitariste est en symbiose avec son instrument, avec un ou deux manches d’ailleurs, faisant revivre le début des années 90, période largement bercée par le hard rock mainstream.
Les 10 titres du concept album emballés, le groupe se retire sous les vivats ; certains dans la foule quittent alors la Laiterie. Visiblement l’info est mal passée car W.A.S.P. doit prolonger la soirée. Je cite : « Le concert se fera en deux parties, la première étant consacrée à l’album culte “The Crimson Idol“, et la deuxième étant une collection des plus grands succès du groupe de L.A. », info encore lisible sur les différents sites de billetterie. Pour la collection, on repassera ! 3 titres, à savoir L.O.V.E. machine, Golgotha et l’excellent hymne I wanna be somebody, cela Messieurs, c’est un début de collection. Ou alors le groupe dispose d’une maigre discographie: effectivement 15 disques, ça fait léger pour monter un florilège. Le choix de projeter les clips d’antan est également discutable et préjudiciable. Blackie apparaît jeune (voir plus haut), fougueux (id.) et la formation d’origine se rappelle au bon souvenir des fans de la première heure… Bien vu l’artiste !
Bref, quand le groupe tire définitivement sa révérence, il est 22h. Une blague ?! Non, certains trainent encore un moment dans le hall, achète une relique de l’événement, mais on a largement le temps de poursuivre la soirée, de dîner, et caetera. No comment.
Setlist de W.A.S.P.
The Titanic overture
The invisible boy
Arena of pleasure
Chainsaw Charlie (murders in the new morgue)
The gypsy meets the boy
Doctor Rockter
I am one
The Idol
Hold on th my heart
The great misconceptions of me
Rappels
The real me (non jouée)*
Love machine
Wild child (non jouée)*
Golgotha
I wanna be somebody
*Rectificatif apporté
-Benoît GILBERT
crédit photos: Benoît GILBERT
