La soirée du samedi 30 septembre dernier au Festival Détonation s’annonçait prometteuse. Rock et surtout très électronique, la programmation pourtant variée accueillait et proposait des artistes très attendus, parfois émergents mais aussi incontournables, en faisant une dernière journée réussie, et toujours complète.
En ce début de soirée, la foule est comptée. Les flaques d’eau aussi. Ce sont les Supersuckers qui débutent les hostilités sur la scène de l’Etincelle. Avec son allure de rockers roots, le trio arizonien déverse un son lourd aux relents du Motörhead. Un registre qui attire le festivalier bisontin : titres efficaces, voix rocailleuse comme celle de feu Lemmy et jeu de scène bien rodé.
Une bonne entrée en matière qui prépare le terrain aux Last Train. Entre chien et loup, la Citadelle se pare des lumières, c’est alors le moment pour le quatuor alsacien de débouler sur la grande scène. Une idée en tête, secouer le site du festival. C’est chose faite d’entrée de jeu avec Dropped by the doves. Au cours de l’heure impartie, les titres issus de leur album Weathering, comme Way out ou Golden songs, font chavirer les milliers de personnes concentrées sous le chapiteau. Ces bêtes de scène se donnent sans compter (à l’instar des hurlements toute gorge déployée de Jean-Noël sur Time), et se permettent également d’embarquer la foule de longues minutes lors de la chanson Jane. Le show se conclut avec Fire, le titre phare du groupe qui aboutit à une décharge de décibels. Julien malmène ses amplis, quitte à les faire choir ; Antoine jette ses cymbales. Voilà le concert-détonation du festival !
Il est 20h50 sur la scène de La Friche lorsque le duo français Polo & Pan, composé de Paul Armand-Delille et Alexandre Grynszpan, s’avance dans un décor exotique, nous emmenant voyager dès les premières lumières perçues. L’embarquement débute délicieusement avec l’annonce de cette balade sonore par les voix des deux artistes. S’entame alors un live aussi percutant que planant, mené par les nombreux titres de l’excellent album Caravelle, sorti en mai dernier. Canopée, Coeur Croisé, Abysse, Aqualand et tant d’autres se succèdent, accompagnés par les voix et chorégraphies de deux chanteuses énergiques sur le devant de la scène. Un chassé croisé entre une électronique accrocheuse et rythmée et des sonorités estivales, se rapprochant indéniablement de la bossa-nova. La salle est bondée, le public conquis, pour l’un des meilleurs concerts du festival.
(…) C’est remontés comme des coucous (pardon, comme une horloge comtoise), que nous nous rapprochons des Fai Baba. Frappée du fameux made in Switzerland, cette formation est résolument cool. Et ce n’est pas le batteur évoluant pieds nus qui dira le contraire ! Mêlant la surf music et la pop psyché, voix éraillée et chœurs quasi-féminins (notamment sur Nobody but you, le single en vogue), le groupe transporte les personnes réunies pour la circonstance. L’ambiance est planante, parfois un poil plus enlevée, mais globalement comme inondée par un sentiment de bonheur contagieux. Ce qui, à certains égards, rappelle l’univers de Devendra Banhart.
Afin de profiter du dernier quart d’heure de Truckks, je me sauve de cet état de béatitude. Direction le Vladkistan. Une autre Invitation au voyage… oui, mais ici le vers de Baudelaire (« Là, tout n’est qu’ordre et beauté / Luxe, calme et volupté ») n’est pas le plus approprié. Sur cette micro-scène dotée d’un décor de caravane éventrée, tout n’est que désordre, bruit et punk attitude avec ces très jeunes rockers. Décomplexés, hargneux et goguenards, les quatre larrons font la foire. A leur contact, la foule, massée contre cette scène un brin surélevée, est totalement déchaînée. Ça pogote dans tous les sens ; il est impossible d’immortaliser l’instant. Quoique, une photo floue serait la plus révélatrice…
L’une des têtes d’affiche de cette soirée du samedi, Her, se trouvait sur la scène de la Citadelle à 22h30. Un concert très attendu encore, à la saveur particulière. Si la moitié du duo, Simon Carpentier, décède le 16 août dernier des suites d’un cancer, le live n’en reste pas moins assuré en son hommage, résonne et enivre deux fois plus fort. Durant la grande majorité du show, l’autre co-fondateur du groupe, Victor, rappelle, au début de nombreuses chansons, qu’il chante et se donne pour son “frère d’arme”. Beaucoup de celles-ci lui seront dédiées, pour finir avec la plus connue d’entre elles, Five Minutes. Le titre s’étend alors sur une dizaine de minutes, dans une ambiance à la fois très émotionnelle n’ayant pourtant jamais été aussi vive et exaltée. Le public amène tout son soutien, chante et les ovations ne se font pas attendre. Le concert est assuré d’une manière absolument admirable et courageuse, et a semble-t-il offert un moment marquant aux spectateurs présents.
Au même moment, la friche s’offre au duo Claire-Clara, réuni sous l’étiquette Komorebi. Introduisant le show par une déclamation a capella des deux artistes à demi-cachées par une toile tendue, on comprend que l’instant sera délicieux et empreint de poésie. Malgré quelques petits soucis de sons au début, la doublette assure ; Les tâches sont clairement réparties; les sourires nombreux. Dans ce décor industriel de la friche bisontine, les filles enchaînent leurs titres mariant avec éclat l’electro et la pop music. Une ode à l’éphémère.
A 23h30, Scarlet Rascal prend possession de la scène Etincelle. Plutôt attendue, la prestation délivrée est mitigée. L’entame fut parfaite et rondement aguicheuse. Avec un son rugueux, une ligne de basse très punk new yorkais et la voix déclamée à la Iggy Pop (à s’y méprendre), Détonation portait bien son nom. Et puis, le drame. Le groupe a fait du surplace. Visuellement parlant, la formation paraissait distante, à l’image du frontman proposant un regard froid malgré de brûlantes lumières écarlates. Au-delà du charisme défaillant, il y a la musique. Petit à petit, les titres s’allongent et peinent à se démarquer les uns des autres. Une option qui fut loin d’emporter une foule de plus en plus maigre. A la décharge de la formation, nombreux sont ceux qui attendent déjà sous le grand chapiteau le Dijonnais derrière les platines…
On continue avec cette soirée riche en électro, direction la scène de La Friche, pour le live d’Agar Agar à 23h40. Après de nombreuses minutes d’ajustement de son, laissant penser à une grande partie du public que le live commençait, le duo composé de Clara et Armand dévoile les véritables premières notes. Une atmosphère complètement enivrante s’en dégage, à travers les lumières tamisées, chaudes, mais pourtant puissantes, ainsi que les mélodies très 80’s, synthwave et électro-pop qui nous sont proposées. Le public est dansant, et les deux artistes arrivent sans conteste à captiver la foule, notamment grâce à ses titres phares Prettiest Virgin, You’re High et I’m That Guy. Un live plus que convaincant est donc livré aux amateurs, semble-t-il plutôt nombreux, de ce genre musical frais et hypnotique.
L’artiste électro le plus attendu de la soirée semblait être sans conteste le pionnier du genre, Vitalic, sur la scène de la Citadelle à 00h30, l’espace bondé de spectateurs. Avec son dernier album Voyager, le dijonnais nous livre des sonorités davantage disco que ce qu’il pouvait faire auparavant, nous amenant donc à nous demander, si les lives exaltés et surexcités auxquels il nous habituait allaient lui survivre. La réponse sera vite trouvée. Dans une ambiance entièrement électrique, la douceur n’est pas de mise. Le public est loin de stagner, les morceaux toujours aussi ravageurs, mêlés à des jeux de lumières hypnotisants, pour un ODC Live toujours aussi bon de la part du Dj.
Revenus du show electro de Vitalic, ce sont les DBFC qui ponctuent cette soirée sur la scène de l’Etincelle. Dans un style décontracté, les Franco-Britanniques nous régalent de leur pop arrosée de synthé et de beats dansants issus de l’excellent album Jenks. Le titre éponyme ou Disco coco avec des chœurs à la manière des Dandy Warhols ont le don de faire bouger le public encore présent.
Un bémol en ce samedi soir : Lysistrata programmé à la même heure que DBFC fut déplacé sans tambour ni trompette. Un changement de running order non notifié et regrettable car ce trio survitaminé était une des attractions du jour. Hélas, trois fois hélas!
-Juliette BOFFY, Benoît GILBERT
Photo à la une – Crédits Photos : Un grand merci à : Association PixScènes – Fab Mat – Clément Airiau – Maxime Dubois –KEMMONS Arthur – La Rodia – Festival Détonation pour nous avoir permis d’utiliser leurs photographies; Benoît GILBERT (clichés de Last Train, Fai Baba, Komorebi, Scarlet Pascal et DBFC)