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1984, Rage with no name

Que la lumière soit et baigne 1984. Il y a le monument érigé par Orwell, indéboulonnable, terrifiant et toujours d’actualité, … Mais, recentrons-nous sur 1984, le trio strasbourgeois. Discrètement mais sûrement, la formation s’est constituée une discographie solide depuis une petite décennie et revient ce jour-même avec 13 titres porteurs d’une rage sans nom. Pour mémoire, en 2014 le groupe avait livré Night Phases, un EP de 7 titres coincés entre délicatesse et rugosité. Un contraste que l’on peut retrouver d’emblée ici avec la parution de Rage with no name, à la fois sobre et remarquable. Sobre car le groupe a peu communiqué jusqu’à ces dernières semaines sur l’événement. Remarquable car durant les 4 précédentes, le trio a lâché coup sur coup trois morceaux (Montevideo, Hit me et Rage with no name), puis l’ensemble de l’opus sur le Net, le tout agrémenté de mini-clips à la sauce DIY. A l’instar d’Influenza (2013), les Alsaciens se sont entourés de Steven Ansell, membre de Blood Red Shoes, à la production ainsi que de Christophe Pulon. Cette fois-ci, la bande emmenée par Etienne Nicolini est restée à domicile dans la capitale régionale, au sein du Studio Deaf Rock, pour concocter ce nouvel objet musical.

 

(1984, Make me out, extrait de Night Phases-2014)

 

Pour les amateurs du groupe, You age me well, Are you that strong ou Half moon sont des titres qui s’inscrivent dans la suite directe de Night phases, voire d’Influenza, tant par leur esthétique globale que leur dynamisme pop rock. Exception faite du final hypnotique du dernier morceau cité, qui se distingue par un motif lead oriental et une voix lancinante. La présence de l’endiablé frappeur britannique derrière la console semble avoir inspiré le jeu de Thomas Figenwald, dont certains motifs et la vélocité renvoient par moments au répertoire des BRS, notamment sur le titre éponyme.

 

Depuis ses débuts, 1984 est un groupe qui trace son chemin à l’aide d’une pop nerveuse, mélancolique et versatile, héritière d’un grunge mélodique. Rage with no name ne déroge pas à la règle avec des titres percutants (Hit me), débridés (Doux fou), heurtés et à la colère latente (Captive), voire plus légers d’apparence, mêlant brillance (Jealous type) et empressement au moment de lâcher le refrain (You age me well). Tous semblent comme trempés dans une mare emplie de punk, ressortant de là avec des rythmes souvent martiaux et de solides lignes de basse (Half moon). Le point d’orgue réside dans The man you think I am, piste en proie aux feedbacks, à la voix réverbérée à la limite de la saturation et traversée par la basse de Kévin Matz, basse rappelant celle de Novoselic, à la fois ronde et prédominante jusqu’au refrain.

(1984, Rage with no name)

En marge de cette rage électrique parfois proche de Nirvana, on découvre aussi des territoires plus délicats, acoustiques et qui ne se dévoilent qu’au gré des minutes. Tout en lenteur. Sur Montevideo, titre à l’architecture électro faussement dépouillée, la frêle guitare délivre des Mélody à la Gainsbourg.

(1984, Montevideo)

De même, avec Bluvo et A continent away, les thèmes musicaux sont méchamment tenaces, car mis en boucles, laissant progressivement la place à des univers atmosphériques. Voix, piano et guitares sont alors les passeurs d’une mélancolie à fleur de peau, proche de celle véhiculée sur Curtains on our night (in Night Phases). Par deux fois avec ces titres, la silhouette de Radiohead se dessine, tant à travers les motifs de clavier qu’avec les arpèges égrainés. Rove apparaît comme une cruelle ritournelle, une ballade sans fin car coincée par des arpèges qui reviennent toujours au point de départ (un peu comme le final de Captive). Dans la voix résignée d’Etienne, résonne la question du départ, de la fuite.

 

Les 13 titres de Rage with no name révèlent un peu plus la capacité d’innovation de 1984. Ici les influences variées sont parfaitement imbriquées à une esthétique pop rock assumée depuis longtemps. Cerise (détonante) sur le gâteau : les Alsaciens referment ce troisième LP avec une piste cachée (comme sur Nevermind …), Papa Kévin. Avec cet hymne electro déjanté, parcouru de sons de jeux vidéo, le groupe se fend d’une rigolade qui fleure bon comme La Femme. Ajouté à cela un verso de jaquette façon Polnareff en 1972 (!), … le trio se dévoile sans tricher. Et semble prendre du plaisir à créer.

-Benoît GILBERT

 

(1984, Hit me)

 

Artiste : 1984

Album : Rage with no name

Label/distribution : Deaf Rock Records

Date de sortie : 29/09/2017

Genre : pop rock / rock indé

Catégorie : Album rock

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