« Combien de strates à traverser pour trouver le noyau de nous-même ? »C’est la première phrase du dernier album de Mademoiselle K. : Sous les brulures l’incandescence intacte.
C’est effectivement une question que l’on se pose tout au long de ce nouvel album. Réalisé en complète autonomie, sous le label Kravache créé par le groupe ainsi que l’aide financière des (nombreux) fans par l’intermédiaire de la plateforme participative Ulule. La somme attendue a d’ailleurs été largement dépassée ce qui a permis à cet album d’être mixé, masterisé et maintenant promu dans de bonnes conditions.
Complètement libre et complètement désinhibé, ce premier morceau nous informe surtout que dans la composition comme dans les voix, les sons, les thèmes abordés, la langue choisie, Katerine Gierak et ses deux acolytes, Pierre-Antoine Combart et Colin Russeil ne feront aucune concession.
Nous voilà entrainés dans Bonjour, bonjour et la tristesse de tous ces deuils qui ponctuent nos vies en guise d’intronisation dans l’intimité brulante et viscérale de Katerine. Presque joyeusement, elle égraine des sanglots séchés par des mots régressifs sur un gimmik de guitare tout en contretemps entremêlé de sons métalliques eux même soutenus par des rythmes complexes. Le tout est ponctué de voix chantantes ou hurlantes en guests, apparitions spectrales, ectoplasmiques.
On ne sait pas trop en sortant de ce morceau si on a envie d’aller plus avant dans cette expérience introspective des souvenirs et émotions, fondements de la personne de Katerine G… Mademoiselle K.
Ce léger malaise est lié à la position de voyeur involontaire que le morceau nous impose. Il faut donc prendre la décision d’aller de l’avant, d’accepter de s’immiscer dans les braises vivaces, ou de se détourner et d’aller voir ailleurs si on est plus à son aise dans nos propres tourments. Nos braises et vicissitudes sont bien assez troublantes parfois.
La distance mise par les mots en langue anglaise dont Mademoiselle K. se délecte depuis qu’elle s’est libérée du joug de ses obligations contractuelles est salvatrice dans le morceau suivant : S.I.C.K. Même si dans l’intention et la traduction ils sont toujours poignants.
Ici, la douceur de la voix, sa mélodie harmonieusement arrangée par des chœurs fait de S.I.C.K et son côté pop sucrée un moyen de supporter facilement cette douleur qu’elle dénonce et qui semble ne jamais pouvoir être guérie. On aura d’ailleurs cette même sensation d’empathie dénuée de pression dans l’autre morceau en anglais : Suckin my brain dont le pont intensifie l’émotion en trainant du côté de chez Amy (Winehouse) pour le côté mélodique rocailleux d’une belle facture.
Revenons au 3ème morceau de l’album : On s’est laissé. Il est le premier single sorti avant l’album.
Point de départ de l’écriture, la rupture amoureuse qu’a subit l’auteure dont elle traduit fidèlement les étapes, sans pudeur, jusqu’à frôler les souvenirs charnels et les fesses de son ancien partenaire. La composition sonore soutien les mots et les nappe, les enveloppe de bienveillance par des sons de synthés très seventies saupoudrés de tournes aux craquements vinyles fort à propos.
Guitare en arpège pour J’ai pleuré et de doux arrangements de cuivres en filigrane. Encore une fois lâchées en cascades, sans filet, les émotions de Katerine rendent « ses larmes à l’eau » sur une jolie compo. Pourtant la voix très nature, au traitement très (trop) brut dont le but était surement de donner un gage de véracité aux propos est un peu dure à l’écoute. Aurait-elle pu être un peu plus apprêtée pour permettre à l’auditeur de s’approprier un peu plus la thématique ? Le choix de laisser telle quelle la voix de Katerine qui, parfois, décroche, aux notes quasi bleues, à la toute limite de la fausseté est un parti pris qui peut autant plaire pour la sensation de proximité (qui n’existe pourtant pas) que déplaire pour l’effet sans gêne ou sans filtre de son auteure. Toujours ce sentiment de voyeurisme un peu malsain qui s’immisce, comme un regard pas forcément assumé par l’auditeur. On peut se sentir un peu forcé selon les moments, par le chant de Mademoiselle K à voir trop à l’intérieur de cette histoire forcément personnelle.
Le titre éponyme Sous les brulures l’incandescence intacte ou encore Ce ne sera pas moi sont des exemples parfaits de morceaux dont la compo, la mélodie et les mots pourraient être des moments emplis de références communes à l’attention de tous ceux qui ont vécu la souffrance de la rupture. Chacun vient y puiser les mots proposés par l’auteur pour panser ses propres blessures. Malheureusement ici les morceaux ne s’offrent pas. Ils restent au service d’une seule voix, tout à l’écoute de ses fragilités et de ses brisures très intimes, presque phagocytés par ses propres cassures.
Que dire alors de la piste suivante qui ne peut être nommée morceau : Pour aller mieux… Liste à la Prévert de ce que les personnes interrogées, comme pour un micro trottoir font pour aller mieux. Enregistrées en direct ou par téléphone, internet ou tout autre moyen de prise de son, la doxa s’égrène avec lenteur plombée par des tentatives vaines d’humour… La voilà donc l’excuse inattaquable de l’honnêteté, du vrai… Les vrais gens ont fait un morceau avec nous… Illusion ultime du partage, d’une création commune ! Bien plus triste qu’un morceau raté : « Méga tristesse » comme elle dit.
Hypnotisés vers la lumière échappe à cette curée avec son côté punk scandé plutôt épuré, sa guitare chantant à l’unisson avec les voix, sa batterie « Curesque », les grondements distordus du synthé en guise de basse et son beau glissé de corde à la Jeu sans frontière de Peter Gabriel sur la fin du morceau qui fait du bien. Même si les mots parlés en fin de morceau sont peut-être de trop.
Finalement sous les brulures, l’incandescence intacte ?
Oui car l’album précédent avait été une réussite au niveau de la distance. Au service de rien, maitrisé, il permettait à quiconque de prendre ce dont il avait besoin, ou rien mais libre. L’art et la manière plutôt que l’urgence et l’introspection. Et tout le monde peut se tromper… Surtout s’il est malheureux et que ça lui a fait du bien.
En même temps, pour pouvoir faire cet album, Mademoiselle Katerine a multiplié les vidéo en direct sur les réseaux sociaux, s’est prise en photo pantalon baissé pour laisser voir la culotte « avec sa tête dessus » destinée aux financeurs du projet et a organisé sa promo sans l’aide de personne…
S’est-elle trompée de combat ? A-t-elle pensé qu’être vraie, c’est (presque) montrer son cul ou est-elle vraiment désinhibée et impudique ? Que raconter ses déboires de créatrice indépendante, montrer ses additions gribouillées sur papier pour les comptes de son album pouvait la rendre plus légitime ? Elle n’avait pas besoin de ça…
SI certains peuvent être flattés de se frotter presque peau à peau, comme avec quelqu’un de son entourage proche, à l’écoute des souffles rauques, baveux et intimes de leur idole, d’autres seront sans doute rebutés par l’aspect autocentré (involontaire surement) de cet album.
Quant à nous autre, nous brulons de retrouver sous nos brulures, l’incandescence de notre amour pour les compos de Mademoiselle K. car de cet opus, ne restera presque que des cendres.
-Bérénice
Artiste : Mademoiselle K
Album : Sous les Brûlures l’Incandescence Intacte
Label/Distribution : Kravache
Date de sortie : 01/09/2017
Genre : Rock
Catégorie : Album Rock