« Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port » le 15 septembre. Effectivement, il y a comme un air d’embouteillage en ce jour de parution d’album. Alors que la bande à Dave Grohl nous dépose son Concrete and gold, un bulldozer, que dis-je, une machine de guerre enragée d’un autre siècle débarque afin d’arracher tout sur son passage : Prophets Of Rage ! Plus qu’un slogan, un programme politique.
Version 3.0 des Rage Against The Machine, cette formation est entrée dans la postérité avant même d’avoir présenté une seule compo nouvelle. Une gageure rarement égalée et à double tranchant. Avec un effectif démentiel (un peu comme le PSG 2017-2018), PORa, apparaît comme une utopie musicale réunissant trois figures totémiques de l’engagement politique. Et malgré la défection définitive de Zach de la Rocha, le trio Commerford-Morello-Wilk a réussi à multiplier par deux son effectif! Un tour de passe-passe grâce au recrutement de deux monuments du hip hop, B-Real de Cypress Hill et Chuck D de Public Enemy, ce dernier ayant chargé dans ses valises DJ Lord. Cet agrégat East Coast + metal + West Coast a d’abord fait ses armes sur scène, devant des foules immenses avec des titres incendiaires de leurs répertoires respectifs, avant de se lancer dans l’élaboration d’un premier EP puis d’un album.
Et maintenant, la question qui brûle les lèvres : alors, Prophets of Rage ça vaut quoi ? Au vu des fines plumes ou autres gachettes qui m’ont précédé sur la toile, l’album est à descendre en flammes. Une vague resucée des RATM ou autres Evil Empire. Boom ! La faute à un Tom Morello peu inspiré et sujet à l’autoplagiat. Bim ! Ok, c’est une honte. Un scandale. Offusquons-nous, …
C’est vrai que pour un disque de hip hop, car c’est bien de cela qu’il s’agit sur une trame de metal, c’est un délit que de bâtir ses titres sur des boucles et des emprunts. Du jamais vu en somme. Un vilain chauve caché derrière sa casquette à la maigre inspiration.
Le même bougre qui se voit spolier ses riffs par un jeune et talentueux Matthew Bellamy. Mais si, Hyper music, ce single imparable (oui un single avec un clip et pas un titre placé au fin fond de l’album Origin of symmetry afin d’avoir son compte de 12) avec un thème génial, tout droit sorti de Snakecharmer (Evil Empire, 1996). Mais, ça n’a rien à voir! Un hommage plaiderez-vous, la tête basse.
(Muse, Hyper music, 2001)
(RATM, Snakecharmer, 1996 )
Bien continuons.
Quid de Reapers (in Drone, 2015) ? Ici des pans entiers dupliqués et juxtaposés : le riff introductif de Bombtrack en guise de prérefrain, agrémenté du final de Freedom (4 minutes 17 secondes) bien décalqué pour conclure ce nouveau single du trio britannique. Résultats : quelques disques d’or et de platine pour le premier méfait et un grammy award du meilleur album rock en 2016 pour Muse. Refaire le même coup, 14 ans plus tard, on peut parler de génie ; de grand art.
(RATM, Bombtrack, 1991)
(RATM, Freedom, 1991)
(Muse, Reapers, 2014)
En rien je ne m’égare, j’affine seulement ma défense Chewbacca ad nauseam. Depuis leur début, les foules qui se sont déplacées pour assister aux concerts des Prophets – prenons comme référence le Hellfest 2017 – espéraient vivre quelque de chose de puissant. Admirer l’alchimie entre ses fortes personnalités, que même en rêve certains ne pensaient pas voir réunis sur scène. Découvrir un nouveau titre de leur cru. Mais en vérité, tout le monde attendait du Rage. Un point c’est tout. Besoin d’une preuve? Quand eurent lieu les pogos les plus mémorables? Oui ceux qui ont déchiré en plusieurs endroits la fosse dans de poussiérieux et fiévreux circle pits ? Sur Killing in the name évidemment.
(Prophets of Rage, Killing in the name, 2017)
Car si la mauvaise foi est une philosophie, un art de vivre réservé au plus grand nombre, ou honnêtement rien qu’un jeu, il faut parfois accepter la réalité. Depuis 1999-2000, tout le monde attendait l’arrivée de cet album sonnant de façon criante à la manière de ceux d’hier. En un mot, la suite. Et dans la lignée de Battle of L.A. , s’il vous plaît! Tous rêvaient de riffs à la Testify (goûtez à celui de Legalize me débutant à s’y méprendre avec le même accord résonnant), de guitare hurlante comme sur le pont de Wake up (vous aurez Hail to the chief) ou de soli scratchés, … De même, ceux qui attendaient la batterie massive et martiale de Brad Wilk, ou les lourdes (doux euphémisme) lignes de basse de Commerford, seront amplement servis (de Radical eyes à Smashit). Tout est là ! Pourquoi pester alors ?!
Le groupe a fait le boulot. Des innovations sonores sont également au rendez-vous. Certes comptées, mais remarquables. Au-delà de Counteroffensive, intermède anecdotique de 38 secondes hérité des galettes hip hop est qui ne transcende pas l’ensemble, DJ Lord a su placer quelques appels du pied bien sentis à travers ses interventions et autres scratchs (Hail to the chief). Elément surprenant et détonant avec l’ensemble de l’opus, Take me higher est un titre de pure fusion comme savaient le faire jadis les Red Hot. Passée la guitare acoustique aux trémolos hispanisants, le groupe enlace des lyrics rappées à un funk méchament groovy. La saveur belliqueuse est toujours de mise sur Fired a shot, un morceau qui semble déterrer la hache de guerre mais dans un registre différent de la patte RATM. Finalement, les inconditionnels de Zach de la Rocha seront les seuls cocus de l’histoire. Ensemble derrière le même micro (pardon mic !), la tempête insurrectionnelle est garantie avec B-Real et Chuck D, (Unfuck the World, Who wons who).
Concluons par ce qui aurait dû être mon accroche. Attention! Chronique un tantinet engagée en faveur des Porteurs de verbes et d’odes incandescents, Prophets of Rage (against the Machine).
-Benoît GILBERT
(Prophets of Rage, Unfuck the world)
Artiste : PROPHETS OF RAGE
Album : Prophets of Rage
Label/distribution : Fantasy Records
Date de sortie : 15/09/2017
Genre : metal / hip hop
Catégorie : Album rock