Samedi 15 juillet. Mieux préparé que la veille, presque affuté, je franchis tel un cabri cette modeste côte qui me chahuta il y a 24h. Une fois encore, le public arrive au compte-gouttes mais à la décharge des campeurs, ils ont désormais une nuit dans les pattes. Une petite tranche de sommeil finalement, entre un coucher tardif et un soleil incandescent, matinal, et pour parachever la chose, une installation sur la fameuse pente… Bref, une seconde journée au programme très rock’n’roll.
Rock’n’roll en entrée avec Kamarad, les lauréats du tremplin Décibulles. Ce quatuor alsacien assène un rock frontal, avec un couple basse-batterie très martial et une guitare incisive lâchant des riffs hargneux, des tremolos urgents entrecoupés de larsens. Tel un coureur de fond, Hugh le chanteur à la voix teintée d’une certaine lancinance, balance inlassablement ses bras et incite entre deux titres les festivaliers présents à se rapprocher. Avec ces bruitistes Haut-Rhinois, on est bien en territoire garage punk, renvoyant par endroits aux Savages et aux cultissimes Sonic Youth. Fin du baptême du feu, la foule est satisfaite et moi avec.
18h45 : encore du rock’n’roll. Dans quelques minutes Hanni el Khatib doit monter sur les planches. J’apprends également que ma demande d’entrevue soumise il y a plusieurs semaines avec ledit Californien est acceptée et aura lieu à 20h30… Vous connaissez les montagnes russes ? Au début, l’on se dit sans problème, je suis large (j’ai 1h30 devant moi) et puis arrive le stress du premier col et de la grande descente ! Vite, il faut monter un questionnaire. De bonne tenue, bien sûr. Traduit en anglais de surcroît ! De front, il faut aussi assister à son show qui débute dans la foulée… Heureusement pour moi, il commence piano : pendant le premier titre, son bassiste n’a plus de son. Hanni le scrute, moi je gratte ; les choses avancent à petits pas. Le concert est certes marqué par le son garage qui révéla l’artiste, à travers des incontournables dont Pay no mind, néanmoins l’usage important du clavier notamment pour les titres issus de Savage times, à l’instar de la disco Paralysed, montre que cette formation est pleine de références musicales empruntes au jazz, au funk, voire même à l’electro. À l’issue de cette prestation excellente, je me dis qu’HEK aura dû avoir le créneau d’Asaf Avidan. À l’applaudimètre, le public ne m’aurait que partiellement contredit.
Plat de résistance, Last Train. Deux assiettes s’il vous plaît. J’ai juste le temps de réaliser les photographies lors des premiers titres avant de m’éclipser. Il est 20h30. Je reviens une vingtaine de minutes plus tard constatant que, malgré une tournée interminable (avant hier à Musilac, hier à La Guerre du Son, …), les quatre Alsaciens ont encore suffisamment de patate pour chahuter le festival Décibulles. Jean-Noël et consorts mouillent le maillot en ce début de soirée en multipliant les sauts de droite de gauche et les cris dans les microphones. Les brûlots comme Way out ou Fire sont bien sûr interprétés, mais aussi Golden songs, titre tout en nuances, ou Time qui génère une tension folle lors de sa partie instrumentale ; Antoine, le batteur, évolue alors debout et martèle vertement ses cymbales. Tout comme leurs Kamarad haut-rhinois il y a quelques heures, les quatre jeunes hommes vêtus de noirs sont heureux de jouer à la maison et remercient au passage leurs familles d’être présentes pour l’événement.
Fin du concert sur la Grande Scène, je m’en vais rejoindre sa petite sœur blottie sous les arbres afin de découvrir Braziliers. Et quelle surprise pour le dessert, revoilà Ropoporose en version élargie ! Avec la présence de Piano Chat, la formation est devenue un trio proposant une pop alternative qui fédère un attroupement important et essentiellement familial ; de nombreux bambins sont assis en tailleur devant la scène. Aux mélodies cristallines, ensoleillées, souvent arpégées et mariant deux voix quasi enfantines, se greffe un dynamisme énorme grâce à une batterie qui explose lors de passages noisy et lancinants.
Sans tambour ni trompette, Asaf Avidan entre en scène à l’heure convenue afin de proposer un show résolument folk et à la gloire de sa voix haut perchée. Je ne peux parler longuement dudit spectacle car je suis convié à m’entretenir avec les Last Train à l’issue des trois premiers titres. Durant ces quelques minutes, le chanteur israëlien évolue les yeux fermés, voire mi-clos et joue des titres on-ne-peut-plus calmes. Un concert finalement qui est en rupture avec ses prédécesseurs; une bizarrerie dans le running order du jour qui ressemble à une bonne tisane avoir d’aller s’assoupir. (…)
Tel un TGV lancé à vive allure au cœur du massif, The Bloody Beetroots Live entrent tous stroboscopes incandescents dehors au son délicat d’une sirène hurlante. Attention, show survitaminé en vue ! Le trio masqué en Venom balance un sample de la voix de Robert Plant (issue de l’intro d’Immigrant Song) avant de pilonner le public avec des beats puissants, quand ce ne sont pas les cris aigus de Sir Bob Cornelius Rifo qui viennent percuter les contreforts vosgiens. L’homme est un ressort incendiaire qui n’a de cesse, lorsqu’il n’est pas derrière son piano, de bondir, chauffant à blanc les festivaliers. Entre deux slams, on évacue aussi et pour la première fois du weekend des gens de la foule… Les titres s’enchaînent presto et lorsque l’on s’y attend le moins, le groupe d’origine italienne se fend d’un rock’n’roll à l’ancienne, histoire de brouiller les pistes. Une claque comme peut l’être une boisson énergétique en pleine nuit.
En somme un remontant salutaire pour tous ceux bien décidés à rester passé minuit pour le set de Panda Dub. Aux confins du reggae et du dub, oscillant entre sonorités asiatiques et scratchs, le Lyonnais nous transporte vers un ailleurs captivant, parfois anxiogène et qui n’est pas sans rappeler les pionniers d’High Tone. Il est deux heures, lorsque le DJ cesse de remuer les festivaliers ; le site se vide lentement. On reprend à 15h40 demain ; la nuit sera courte !
-Benoît GILBERT
-Crédit photo : Benoît GILBERT