Dans la vie, il y a les adieux aux larmes et ceux en sueur. The Dillinger Escape Plan est partisan de la seconde méthode. Et dire que deux jours plus tôt, ces cinq-là bouclaient le torride Hellfest 2017 (voir notre récit du festival). Les voilà donc à Strasbourg, plus remontés que jamais pour cette « Tournée d’adieu ».
Avant cela, les Américains bénéficient de deux groupes d’ouverture qui chaufferont à blanc les happy few réunis ce soir dans la Grande Salle. Tout d’abord, les Suédois de God Mother, qui offrent une prestation tournée vers un metal agressif, bruitiste et au « chant » hardcore. Puis, vint le tour de Warsawwasraw. Au-delà de son nom de capitale palindromique, ce groupe français évolue dans un registre punk ultra violent et quasi incendiaire. Ils ont beau n’être que deux, ils semblent déplacer des montagnes : l’un grâce à ses hurlements déchirants et sa guitare massive, l’autre en martelant ses fûts et en martyrisant sa cymbale ride. Le tout dans une lumière bleutée et feutrée. Bref, lorsque ces formations se taisent finalement, on reprend ses esprits quelques minutes avant un plus grand déluge.
Et le terme n’est pas galvaudé ! Dès les premières secondes, le set des Dillinger débute comme une bastonnade dans un coin sombre. Avec Prancer, les stroboscopes brûlent la rétine, tandis que les coups pleuvent. Entre deux flashs, les musiciens, très mobiles et tapis dans le noir, réapparaissent en un instant à quelques centimètres des premiers rangs, avec la rage aux dents.
Ne connaissant pas vraiment le groupe, je découvre rapidement le personnel de service, dont Greg Puciato, une montagne de muscle officiant comme chanteur ou hurleur, à l’appréciation de chacun. À plusieurs reprises, ce dernier n’hésite pas à tendre le micro à une personne du premier rang. Un grand moment de communion pour les heureux élus. Sur sa droite, le guitariste historique Ben Weinman se révèle rapidement comme le personnage le plus imprévisible de la bande. Cet homme grimpe sur tout ce qui lui tombe sous sa main : flight case, retour, ampli de basse, … S’ensuivent des roulades, des jets de pied de micro ou encore des rotations de guitare autour de son bras. Bref, un concentré de folie furieuse qui ne l’empêche pas d’exceller lors des soli, comme celui de Panasonic Youth.
Cette nervosité en provenance des planches est bel et bien contagieuse : la salle pogote au quart de tour. Quant aux slammers, ils ne tardent pas à pointer le bout de leurs baskets ! Certains se sentent invincibles ce soir en sautant de bon cœur depuis le devant de la scène. Mais, c’est sans compter sur les moments de flottement de la foule… Interloqué, j’assiste à deux / trois gadins remarquables. Rien de grave visiblement, on se relève et s’est reparti comme en 40 pour de généreuses bousculades.
Introduite par un rythme de caisse claire léger, When I lost my bet propose une nouvelle décharge de distorsion, sur fond musical de fin de siècle. Le puissant chanteur opte pour une voix de dément, tandis que son guitariste effectue inlassablement des montées et descentes de gamme. Le concert ralentit un court instant avec de Black bubblegum, titre au caractère emocore. Le chant hargneux côtoie des passages en voix de tête (hasardeuse à mon humble avis). Toutefois, la sauvagerie est rapidement de retour : alors que la rugueuse et progressive Milk Lizard se termine dans un blast du tonnerre, Surrogate matraque à tout-va une assistance déchaînée.
Le concert se poursuit dans une ambiance moite et anxiogène avec Symptom of terminal illness ; on pourrait croire un temps à du NIN. (…) Sur le pont d’Happiness is a smile, Ben Weinman est debout sur le public et quand le groupe décide de larguer une nouvelle bombe, le guitariste se laisse tomber, le dos en premier avant d’être ramené jusqu’à la scène.
Alors que One of us is the killer offre une parenthèse délicate, voire jazzy, la fureur est toujours au rendez-vous, notamment avec la courte Wanting not so much to as to
et la très déstructurée Farewell, Mona Lisa. L’interprétation de Puciato devient bestiale, tandis que ses partenaires de gauche (le bassiste et l’autre gratteux) sont plus « empruntés ». Enfin, tout est relatif ! Le groupe termine son tour de piste avec la grandiose Limerent death. Un classique selon les fans.
Quelques instants plus tard, le rappel débute avec The Mullet burden, introduite par une série de notes dissonantes et suivie d’une embardée de moins de deux minutes. Debout sur les extrémités de la scène, la sécurité est assez spectatrice ce soir, ne sachant pas si elle doit intervenir lorsqu’un homme bondissant sur scène embrasse le chanteur, avant de s’élancer dans la foule. Le concert se terminera d’ailleurs ainsi : après Sunshine the werewolf et 43% turnt, la scène est envahie par une partie du public, trop heureuse de saluer une dernière fois les héros sur le départ.
Brutalité, rythmes heurtés et riffs tranchants, telles furent les mamelles du spectacle servi à la Laiterie ce 20 juin 2017 ! Spectacle d’assez courte durée – un peu plus d’heure à ma montre – mais d’une intensité rarement égalée. On ressort de là scotché et en nage, un peu comme si TF1 avait décidé de programmer Orange mécanique en prime time, un 25 décembre…
Setlist de The Dillinger Escape Plan
Prancer
Panasonic youth
When I lost my bet
Black bubblegum
Milk Lizard
Surrogate
Symptom of terminal illness
Happiness is a smile
One of us is the killer
Wanting not so much to as to
Farewell, Mona Lisa
Limerent death
Rappel
The mullet burden
Sunshine the werewolf
43% turnt
-Benoît GILBERT
Crédits photos : Benoît GILBERT