White Reaper c’est avant tout quatre jeunes potes américains dont la musique se veut effervescente tout en dégageant un gaz de nonchalance. Avec cette force intrépide des jeunes années et ce chant hargneux, à la fois pincé et éraillé, on pourrait penser que tout l’attirail redondant du groupe garage est réuni. Mais ce qui démarque White Reaper, c’est surtout l’aura psychédélique qui entoure et contient des morceaux éreintants par leurs riffs énergiques. Si cette description colle parfaitement à leur premier album White Reaper Does It Again, elle connaît quelques variations intéressantes dans ce nouvel opus The World’s Best American Band.
On commence d’ailleurs assez fort avec la première piste, marquante par son format live, qui rend hommage au titre de l’album. À travers cette ouverture qui porte la grandeur d’un concert d’AC/DC, White Reaper s’affiche comme un groupe ironiquement mégalo mais plus sérieusement ambitieux. En s’éloignant sur certains aspects de leur premier opus, le groupe a l’air de vouloir sortir de sa zone de confort tout en préservant la structure de ce moule « pop-garage » dans lequel leur identité s’est modelée.
Judy French, single iconique, nous prouve bien que les moyens ont été mis en œuvre pour offrir un son plus net et moins grésillant. Si la forme mûrit, le fond reste calqué sur les inquiétudes juvéniles et le calvaire sentimental intrinsèque.
Il en va de même pour Eagle Beach, construit sur un riff et une ligne de basse entêtantes jusqu’à l’apparition du solo qui fait surgir des sonorités inspirées du bon vieux rock seventies.
On fait un bon de dix ans en avant avec l’intro de Little Silver Cross typée New Order. Le synthé préserve cette dimension eighties durant une bonne partie du morceau mais la touche White Reaper apparaît bien dès le premier couplet, offrant un mélange extrêmement riche. Mixité qui se poursuit jusqu’au solo dont le côté un peu Queen pourrait surprendre mais se fond pourtant assez bien avec le reste du décor.
Le synthé prend dès lors une sonorité de piano plus classique, poursuivie dans le refrain de The Stack où seulement deux-trois touches sont répétées frénétiquement, donnant pour résultat une sorte d’hybride où l’influence de David Bowie côtoie celle des Orwells.
Party Next Door joue sur des riffs électriques hard rock qui nous rappelle qu’on n’est pas venu ici pour enfiler des perles mais bien pour s’éclater comme s’il n’y avait pas de lendemain.
La similitude avec The Orwells se retrouvent particulièrement dans Crystal Pistol tant on pourrait confondre les auteurs de ce morceau. Même combat pour Tell Me, bien que la voix de Totino Esposito soit différenciable de celle de Mario Cuomo. Malgré tout, la colonne vertébrale de ces deux morceaux respecte la même ossature au niveau de l’enchaînement des couplets, refrains et ponts.
On parlait un paragraphe plus haut de ne pas se soucier du lendemain. Cela ne pouvait pas plus mal tomber avec Another Day qui met fin à toute cette tension puérile en s’offrant une intro punk, explosive et chaotique, qui laisse planer l’âme des Sex Pistols autour de ce morceau qui vise à marquer le coup. On constate ici une brève reprise du style du premier opus, marqué par un son plus souillé et l’impossibilité de reprendre son souffle.
Pour conclure, on pourrait dire que The World’s Best American Band nous fait partiellement regretter l’aspect lourd et gras de White Reaper Does It Again où le fuzz s’associait à un clavier psyché/sixties moins fugace. Cet arrangement garage semble s’être remodelé sur un socle plus moderne qui donne à entendre un rock plus taillé, distillé par les influences multiples qui forgent l’identité de ce quatuor impertinent. The World’s Best American Band est un album qui n’a aucune vocation à prétendre ce qu’il n’est pas et c’est principalement sur cette dimension que repose sa force et son énergie.
- Mickaël RUDNICKI
Artiste : White Reaper
Album : The World’s Best American Band
Label/Distribution : Polyvinyl Record Co.
Date de sortie : 07/04/2017
Genre : Rock / Garage
Catégorie: Album Rock