Les beaux jours reviennent en Alsace et une ambiance estivale s’est installée durant cette semaine ponctuant le mois de mars. Des conditions rêvées pour prendre la route vendredi soir en direction de la Laiterie afin d’assister aux performances de deux formations hexagonales électro pop gorgées de fraîcheur, Holy Two et Talisco.
A mi-parcours de la rue du Hohwald, des sonorités graves et familières sont déjà perceptibles : le duo lyonnais a débuté à l’heure prévue. J’accélère la foulée afin de ne pas en rater davantage. Je pénètre dans la salle de spectacle alors que le groupe conclut le titre La Tal, chanson aérienne mêlant espagnol et anglais. Comme lors de son passage au festival Génériq, je constate que Holy Two s’est mué en trio pour le live : Hadrien Perretant, le guitariste, se situe côté jardin, Élodie Charmensat la chanteuse et claviériste au centre quant à Rémi Ferbus, le batteur, il évolue debout et côté cour.
Le show produit par la jeune formation est versatile à souhait. Érigeant des mélodies délicates, construites autour d’accords de clavier ou de nappes (La Tal) et d’une guitare délayant des motifs aigus (The Basement), Les Lyonnais confèrent indéniablement une fragilité et une sensualité à leurs titres electro pop. Oscillant entre frêles suspensions et temps forts (Lust), entre onirisme (Rush) et la mélancolie spiralaire d’Orchid, le groupe séduit et nous happe, agréablement engourdis que nous sommes.
Costumés de vestes argentées, les deux têtes pensantes de Holy Two révèlent une complicité sur scène à travers de nombreux regards échangés. A ces instants précis, les voix s’entortillent et génèrent des harmonies vocales subtiles sonnant comme du cristal (Lust) et deviennent presque célestes sur Rush.
A cette délicatesse de façade, bien plus palpable sur disque, le groupe véhicule ici des élans résolument rock. Dans un style plus tonique, des titres comme Undercover girls (un tube, ni plus ni moins !) ou le final Face it montrent une seconde facette de la formation. À plusieurs reprises, Élodie se lance dans un exercice vocal périlleux au cours duquel son flow se veut mordant et rappé. Quant à la tessiture de son organe, elle devient irrésistiblement soul R’n’B (Wild nights). Du punch, de la disto, des cymbales matraquées et des basses creusées, le tout appuyé par un jeu de lumières nerveux! Bref, le trio renverse la table et secoue le public jusqu’à la dernière seconde avec Face it et sa décharge d’énergie. Postée sur le devant de la scène, la chanteuse se déhanche sur les lignes de basse d’Hadrien et les roulements de Rémi. Le public autour de moi découvre la formation et reçoit de façon positive ces chansons fraîches et dynamiques. Fin de la première partie, la performance est chaudement saluée. On consulte la page Facebook du groupe durant le changement de plateau, on like, etc. En un mot, Holy Two a marqué des points ce soir à Strasbourg.
21h30, Talisco débarque. D’emblée, le groupe s’emballe comme un mustang avec A kiss from LA, titre débridé ouvrant le nouveau LP, Capitol vision. On comprend vite que la formation emmenée par Jérôme Amandi ne fera qu’une bouchée du public ce soir.
Armé d’une Telecaster très éprouvée, le gaillard au visage émacié chante de façon généreuse et ne feint pas son plaisir d’être là. Entouré de Gautier Vexlard, homme à la mains lourde derrière ses fûts, et de Thomas Pirot, le dandy moustachu tantôt bassiste, tantôt guitariste voire percussionniste, les titres s’enchaînent à grande vitesse et dans un registre electro folk. Monsters and black stones puis Follow me sont des chansons percutantes, tout tambourin dehors pour la seconde. Jérôme Amandi est un sanguin : à gauche, à droite, sur le plateau de la batterie, sur le devant de la scène, bref il est partout à son aise et n’hésite pas à partager ce sentiment avec la foule entre deux morceaux. Les sourires délivrés durant cette heure et quart de concert seront incalculables.
Passés ces premières chansons, le leader troque son électrique et ses effets pour une acoustique afin d’interpréter Shadows. Le titre est enlevé mais la formation reste rigoureuse. Preuve en est le jeu des harmonies vocales des trois comparses est de premier choix et distille une magie. Une ambiance western se dessine lentement; l’immersion du chanteur aux Etats-Unis, plus précisément sur la Côte Ouest en vue du second album, n’y est pas étrangère.
Talisco mêle savamment les morceaux des deux albums et n’a aucun mal à faire remuer la Laiterie. Il faisait déjà chaud avant d’arriver, nous voilà avec quelques degrés de plus lorsque Your wish et que son beat méchamment dansant est lancé. La Laiterie est alors un dancefloor. Et cela ne retombera avec le groove de Thousand suns ou la funky Stay (before the picture fades). Pis, lorsque le groupe se fend de l’extravagante Loose, la basse pilonnant et les chœurs de Thomas Pirot font mouche et donnent la banane aux Strasbourgeois.
Telle une diligence, le groupe cavale à bride abattue dans l’Ouest étatsunien. Avec Sorrow, on croit deviner un décor de film. Monument Valley semble s’offrir au public durant ce morceau grandiloquent. Les accords délayés de guitare charrient tel le vent des tumbleweeds, avant que de nombreuses et entêtantes deadnotes suggèrent un duel au soleil.
Lorsque résonne Sitting with the braves, Talisco nous convie à un pow-wow aux accents chamaniques qui se conclue dans une élévation vocale et un emballement distordu proche de la transe ; les stroboscopes sont alors massifs. Martian man confirme l’univers folk et mélodieux du groupe. Le titre est largement plébiscité, preuve – s’il en fallait encore une – que ce nouvel album sorti en janvier est déjà bien ancré chez les fans. Le trio poursuit sa folle route sous un astre torride tous sifflements dehors en entonnant Everyone. On croirait du Ennio Morricone à la rythmique effrénée.
Enfin, lorsque le groupe entame l’intro de The Keys, on attend un paroxysme. Les portables fleurissent dans l’assemblée afin d’immortaliser le moment. Le bonheur semble total, peut être moins pour le groupe qui, en plus des feux de la rampe et des nombreux spots en arrière-plan, doit affronter les lumières tenaces des smartphones pendant plusieurs minutes, tant le morceau s’allonge dans un final instrumental puissant.
Le public est insatiable et exige son rappel. Talisco revient donc pour conclure avec Behind the river, un titre écrit « après le décès d’une personne proche ». Une dernière fois, l’assistance se laisse porter par un solide gospel aux accents pop western et empreint d’espaces infinis. La voix de Jérôme Amandi gagne en solennité et lorgne du côté de Mercury. Un final à couper le souffle.
Très généreux sur scène, les deux groupes poursuivront avec leur public après le spectacle en échangeant de longues minutes ce soir-là dans le hall, cédant volontiers au jeu des autographes et autres photos souvenirs. Dernière info saisie au vol avant de retourner à mes Pénates : Holy Two doit rentrer prochainement en studio afin de plancher sur son nouvel album. Affaire à suivre.
Setlist de Holy Two
Intro
La Tal
Lust
Orchid
Undercover Girls
The Basement
Wild Nights
Rush
Face It
Setlist de Talisco
A kiss from LA
Monsters and black stones
Follow me
Shadows
Your wish
Sorrow
Thousand suns
Sitting with the braves
Martian man
Stay (before the picture fades)
Everyone
Loose
The keys
Rappel
Behind the river
-Benoît GILBERT
Crédits photos : Éric (Concerts le lendemain, samedi 1er avril 2017, à la Rodia de Besançon (25)