Ici flotte le projet d’Andrew Clinco (batteur chez Marriages et Black Marble) ayant pour credo la métamorphose et la transsubstantiation vers Deb DeMure, l’entité responsable du son immersif de Drab Majesty. Alter-ego, seconde peau, masque constitué comme un “archétype entre le vide et la forme”, Deb DeMure est un personnage hors du temps, fardé de blanc et vêtu d’atours mortuaires.
Ce serait trop simple de résumer Drab Majesty par une généalogie de références, et trop facile de le critiquer en insinuant qu’il n’a rien inventé. Aladdin Sane, Jaz Coleman, Genesis P. Orridge, Klaus Nomi ou même harlequin sont autant de figures qu’il frôle, créant ainsi sa propre constellation, dont les artworks représentent déjà un univers en expansion. Sur Careless (2015), les tons chauds, mauves, violets signalaient cette créature sans âge et sans genre. Sur ce nouvel opus, ce sont des retrouvailles avec la froideur des débuts shoegaze du projet (Unarian Dances, 2012). Ceci ressurgit notamment sur Not Just A Name. Sa signature est faite d’effets de reverb incarcérés à l’intérieur d’une guitare cristalline, avec pour conséquence un sentiment de hantise lié au brouillard de titres obsessionnels comme Do It in the Sky ou Cold Souls.
Depuis son premier album, Deb Demure a notamment collaboré avec King Dude, chantre de la dark-folk (sur un single puis un morceau de l’album de ce dernier), ce qui se ressent à travers le ralentissement de certains morceaux et la place occupée par des parties apaisées, dans lesquelles de nouvelles sources de son s’incarnent (Not Just a Name commence sur quelques murmures de Camella Lobo – du groupe Tropic of Cancer). Parmi les présences, Nicole Estill de True Widow prête ses intonations sur deux titres de la face B, entre lesquels rampe Kissing The Ground, morceau le plus up-tempo qui rappelle Everything is Sentimental, la voix de Deb Debmure légèrement modifiée par un accent alarmant.
Après avoir traversé la mélancolie de Careless, les thématiques de cet opus se fondent davantage sur des mythologies urbaines et modernes, 39 By Design évoquant Heaven’s Gate, secte dans laquelle se déroulèrent les suicides de 39 adeptes en 1997, suite au passage d’une comète. L’oeuvre se situe donc dans la lignée d’une mythologie américaine, celle des fantômes angelins d’Hollywood et de Beverly Hills que Kenneth Anger ou Simon Liberati ont investi dans le domaine de l’écriture. La silhouette ombrageuse de Drab Majesty fait voeu de résurrection à travers les échos palpitants de cette Demonstration spectrale.
-Clémence Mesnier
Artiste : Drab Majesty
Album : The Demonstration
Label/distribution : Dais Records
Date de sortie : 20/01/2016
Genre : tragic-wave
Catégorie : Album rock