Le 14 octobre dernier sortait le troisième album de Frustration, quintet parisien grand représentant de la maison Born Bad Record avec laquelle il est monté en puissance il y a dix ans. Aucune surprise avec l’excellent Empire of Shame qui s’inscrit dans la continuité des productions précédentes du groupe post punk. En trois mots : Obstiné, oppressant et obsédant.
Il y a quinze ans se formait Frustration, quintet parisien à l’esthétique musicale eighties avec pour projet de créer une musique à la croisée de la cold wave et du punk. Un mélange entre Joy Division et Crisis qui permettrait une renaissance de ces deux mouvements musicaux. Entreprise ambitieuse puisqu’à l’époque le post punk n’est plus au goût du jour. En 2006, le groupe produit un premier EP subtil, tendu et efficace qui creusera les fondations de ce que sera par la suite Frustration.
Par la suite, le groupe s’obstine à composer deux albums d’une qualité égale, fidèle à ses influences comme à ses ambitions. Tout d’abord le magistral Relax en 2008 avec des titres qui tournent toujours autant en soirées et ont le même potentiel de tube qu’il y a dix ans. On pense à We Have Some, Relax, No Trouble ou encore Too Many Questions. En 2013, coup de maître avec Uncivilized toujours produit chez Born Bad Record pour un flot de morceaux à la fois simples, inquiétants et percutants. Difficile de ne pas citer parmi tant d’autres Assassination, Uncivilized et Dying City.
Aujourd’hui, Frustration revient avec Empire of Shame, un album où se dégage une tension froide à l’image des précédents opus. Il reste impartial dans ses prises de positions musicales et offre des compositions puissantes. Le premier morceau Dreams, Laws, Rights and Duties dégage une énergie extraordinaire à coup de larsens et de guitare saturée au milieu desquels la voix rocailleuse de Fabrice Gilbert éclate.
Les trente-cinq minutes suivantes ne font que convaincre davantage l’auditoire. Mention spéciale aux lignes de basses fluides dans Excess, le tube punk le plus évident de l’album. Au cœur d’Empire of Shame, un interlude dark folk Arrows of Arrogance – véritable exercice de style réussi – qui nous permet de reprendre notre souffle. Puis, déclamations emportées et baroques au centre d’un synthé hypnotique et dissonant dans Mother Earth in Rags.
Malgré cet intense sentiment de satisfaction d’avoir trouvé exactement ce qu’on cherchait avec cet album, il serait bon d’ajouter quelques évolutions de la part du groupe. Une technique musicale plus précise, une forme d’aisance, de détachement de la part des artistes avec toujours ce regard lugubre sur la société mais dans une démarche plus politique. Le regard de quelqu’un qui chercherait avec obsession sa place dans un espace décevant, honteux… Ce dont traite l’angoissante conclusion No Place.
Avec Empire of Shame, Frustration a trouvé une place à part entière dans un monde musical en évolution grâce à lui. Un monde moins étouffant pour les amateurs de cold wave et de mélodies obsédantes, assorti d’un esprit rageur. Pour les nostalgiques d’une musique tourmentée, dans l’attente d’un renouveau culturel dont les bases ne s’inscriraient pas dans un bête plagiat recraché. A écouter et à réécouter sans modération.
-Solène Barbier
Artiste : Frustration
Album : Empire of Shame
Label : Born Bad Record
Date de sortie : 14/10/2016
Genre : Post Punk, Cold Wave
Catégorie : Album Rock