Jeudi 08 décembre 2016, il fait un grand soleil dehors, le tour-bus de Cocoon vient de se garer sur le parking de la Rodia et le temps que tout soit déchargé, nous avons l’immense plaisir de pouvoir nous entretenir le temps d’un instant avec Mark Daumail et Guillaume Martial, respectivement auteur-compositeur-interprète & bassiste dans la formation actuelle de Cocoon. Retour sur un moment partagé en toute simplicité.
Sensation Rock : Bonjour les garçons, ça va ?
Oui, oui, merci !
Sensation rock : Tout d’abord Mark, un grand bravo pour ce troisième opus qui est lumineux et qui respire la joie. Nous avons su que sa composition s’est déroulée dans des conditions un peu délicate. Comment arrive-t-on à rester optimiste et à composer des mélodies aussi légères et scintillantes dans ces moments difficiles ?
Mark : Alors, merci déjà ! (Sourires sincères) C’est vraiment ce que je voulais procurer comme sensations, c’était vraiment un truc de lumière, de la vie avant tout. Et c’est vrai qu’en fait, je crois que c’est tout simplement un truc d’instinct, vraiment animal, de père. Y avait vraiment de ça au début, c’était quand mon fils est né… Donc en fait, au début, Cocoon était pas du tout au programme. Donc mon fils naît, problèmes de santé au début, donc hôpital pendant quelques mois, moments vraiment traumatisants pour toute la famille et là, du coup, je me suis dit que j’allais amener une guitare, amener de la musique à l’hôpital, pour amener justement un peu de… Un peu de vie, en tous cas juste pour détendre l’atmosphère… Parce que tu sais, un hôpital pour enfants, c’est atroce, et quand tu y passes des mois, des nuits, des jours… Et puis pour lui aussi, et puis pour ma femme aussi. C’était vraiment l’idée, et du coup, c’était une démarche importante, oui. C’était vraiment un truc d’instinct, je n’ai pas réfléchi à si c’était bien ou mal, bien sûr j’ai demandé au médecin avant, il m’a dit que oui, bien sûr, pourquoi pas. Et égoïstement, peut-être que moi aussi ça m’a fait du bien. C’était ma manière à moi d’évacuer, et je me suis dit que peut-être avec un peu de chance, ça allait faire du bien aux autres.
Et puis je me suis mis à grattouiller à côté du petit bébé, et effectivement j’ai senti un mieux. Les chansons sont sorties assez vite, j’ai écrit 7 ou 8 chansons là-bas… Des débuts, juste des trucs ou je marmonnais, y’avait des phrases, y’avait des choses comme ça. Et en revenant à la maison, le bébé était guéri. Je me suis dit à ce moment-là que j’avais quelque chose de fort, et je l’ai envoyé à ma maison de disque, qui m’ont dit que c’était un Cocoon. Ils ont trouvé qu’il y avait ce folk, cette sensibilité, cette émotion. Et puis oui, c’était en anglais aussi. Et c’était vraiment… J’ai été surpris, parce que je ne pensais pas qu’ils me diraient de relancer le projet. Et puis j’ai réfléchis, je me suis dit que ce n’était pas idiot, et je me suis dit que ça faisait vraiment parti de Cocoon, parce que tu sais, je raconte ma vie à chaque album, et là du coup, c’était la partie Mark devient père. Le précédent, c’était Mark commence à voyager, et le premier c’était Mark devient adulte, alors on verra ce que sera le prochain, mais c’est vraiment ça, les trois albums de Cocoon, ce sont les grosses étapes de ma vie.
D’ailleurs le premier extrait, I Can’t Wait, je l’ai écrit là-bas. Ça raconte toute l’impatience que j’avais, de sortir de là, toute l’impatience de ce moment où tu veux rentrer chez toi, avec ton bébé. (Il commence à fredonner le refrain)
Guillaume : Et quand il est venu ce titre-là, tu avais déjà les paroles ou juste la mélodie ?
Mark : J’avais tout, parce que tu vois, quand je parle d’impatience, I Can’t Wait ça m’est venu directement. C’était la logique des choses. Et puis après, je suis comme ça aussi, j’aime les belles mélodies, qui restent simples. Comme par exemple Chupee, elle est dans un esprit tarte, yéyés des ‘60s, elle est simple, et c’est ce qui fait son charme.
SR : Le fait que Morgane ait décidé de ne pas te rejoindre sur ce nouveau chapitre de Cocoon a-t-il eu un impact sur ta façon de percevoir l’avenir du groupe ?
Mark : Complètement, oui. Après il faut savoir qu’elle a beaucoup hésité, jusqu’à la période d’enregistrements même. Quand on a commencé à en parler, elle me disait qu’elle allait y réfléchir. Mais tu sais, elle voulait se concentrer sur ses projets à elle. Et puis pour elle, c’était inconcevable de faire les deux projets en même temps, et je la comprends tout à fait, je ne lui en veux pas, bien au contraire. Morgane, c’est le premier coup de foudre musical que j’ai eu. Quand j’ai entendu sa voix, c’était le coup de foudre instantanément. Du coup, quand elle m’a dit qu’elle avait des projets et qu’elle voulait s’y consacrer, je n’ai pas trop cherché à la convaincre non plus. C’est important pour elle, c’est important pour moi aussi qu’elle réussisse dans ce qu’elle entreprend.
Je ne te cache pas qu’elle m’a tout de même manquée. Par contre il faut savoir que moi, je n’ai jamais cherché à la remplacer. C’était un réel rejet pour moi de penser à la remplacer, c’était limite glauque même. Et puis, plus j’avançais dans l’écriture de l’album, plus le projet se concrétisait comme étant un projet vraiment personnel, du coup ça a fini par devenir logique qu’elle ne me rejoigne pas. Dans les autres albums, elle avait écrit deux chansons.
SR : Comment s’est déroulé l’enregistrement du disque ?
Mark : De façon hyper simple. En trois étapes : à Bordeaux, chez moi, puis chez Paul Magne, mon batteur. On s’est enfermés pendant quinze jours chez lui, et on a composé en toute simplicité. Tu sais, mine de rien, on n’a pas énormément d’arrangements, on joue tout sur la subtilité. C’est de la dentelle un peu, musicalement faut vraiment mettre le moins possible. Ça a beau être une musique hyper simple, c’est léger, c’est subtil.
SR : Ce qui fait une jolie transition avec ma question suivante. J’imagine que ça doit être difficile de se dire qu’un morceau est terminé, et ne plus revenir dessus, d’arrêter la partie arrangements par exemple ?
Mark : Pas du tout, les arrangements sont hyper classiques chez Cocoon donc non, moi ça ne m’arrive vraiment pas. Je sais quand le morceau est terminé, et je n’y retouche plus après. C’est mon processus de composition, ma façon de fonctionner.
SR : Du coup, comment qualifierais-tu Welcome Home à nos lecteurs qui ne l’ont pas encore découvert ?
Mark : C’est une saga familiale. Ça parle des événements positifs et négatifs d’une famille, avec toute l’intensité qu’il peut y avoir.
Guillaume : C’est un concept-album. Par contre, Mark, est-ce que tu penses qu’on peut parler d’album, comment on dit déjà… mature ? Est-ce que tu crois qu’on pourrait dire que c’est l’album de la maturité ?
Mark : Je ne sais pas… Oui, peut-être. Enfin, j’ai 32 ans aujourd’hui, avant je n’avais peut-être pas toute cette sagesse. Et puis les événements de la vie font que ça se passe comme ça aussi. Et puis il y a les limites de la langue aussi… Enfin, je ne sais pas.
Au début de ta carrière, tu as plein d’inspiration mais tu manques de technique généralement. Et puis après, tu as de la technique mais tu n’as plus d’inspiration. Aujourd’hui, en ce qui me concerne, je pense que je suis arrivé à la nuance parfaite, qui fait que je m’en sors aussi bien en inspiration qu’en technique. C’est cool !
SR : Et justement, quels sont les thèmes qui te tiennent à coeur ?
Mark : Eh bien la famille dans un premier temps. C’est fascinant. Et puis tout ce qui touche au temps, et aux détails. Parfois, tu peux écrire une chanson sur un détail qui t’a touché, un truc insignifiant hein, mais sur le coup qui t’a fait du bien. Ça m’est arrivé plusieurs fois.
SR : Tu composes prioritairement l’instrumental ou les textes ?
Mark : Alors, d’ordinaire j’aurais eu tendance à te dire l’instrumental, mais en ce moment c’est plutôt les textes.
Guillaume : Ah bon, t’as écrit des textes là ?
Mark : Oui, j’ai pas mal de trucs en ce moment, des morceaux de textes, j’ai des refrains, des couplets, il faut encore tout assembler.
SR : Et dans la continuité des textes, chanter en anglais c’était une évidence pour toi ?
Mark : Alors, je chante en anglais pour deux raisons majeures. La première c’est que dans la musique folk, c’est traditionnellement en anglais. Si tu veux pouvoir te faire connaître ailleurs qu’en France, c’est mieux de chanter en anglais (sauf si tu es un Stromae, ou une Zaz ou des personnes comme ça…)
Et puis la deuxième raison, c’est parce que depuis toujours, j’ai cet amour pour la langue anglaise. Tout simplement.
SR : Comment abordes-tu la scène ?
Mark : Alors, c’est curieux mais à la base j’étais vraiment pas fan, ça me terrorisait presque. Et puis petit à petit, c’est devenu une bouée de sauvetage. Je suis de plus en plus à l’aise, après voilà, ce n’est pas non plus ce qui me rassure le plus, mais j’aime bien. Je me sens de mieux en mieux. Et puis, le plus important, ça reste quand même d’être bien entouré. Et pour ça, j’ai de la chance.
SR : Et du coup, tu préfères jouer dans un espace intimiste ou dans de gros espaces comme les festivals ?
Mark : Sans hésitation, dans une ambiance intimiste. C’est un autre délire, c’est mieux. Mais j’aime bien les festivals quand même, le challenge des festivals, c’est que tu arrives devant un public qui n’est pas forcément acquis à ta cause. Après, moi j’aime bien. Cet été, on a des choses qui vont arriver qui seront de vrais challenges, et pour le coup, j’adore ça. J’ai hâte !
SR : D’ailleurs, si tu étais programmateur dans un festival, quels artistes choisirais-tu ?
Mark : Bah Cocoon déjà ! (Rires) Alors après, y’a un petit mec que j’aime beaucoup en ce moment, qui s’appelle James Blake, qui est vraiment super. J’aime beaucoup ce qu’il fait. Je mettrai Radiohead aussi, et même s’il est à l’hôpital en ce moment, Kanye West, parce qu’il est monstrueux. Bon, même s’il est mort maintenant, je mettrai Leonard Cohen. Ah et puis un petit gars qui fait son bonhomme de chemin, Michael Kiwanuka, il est terrible. Odezenne aussi, leurs sons sont oufs ! J’aime bien Clara Luciani aussi en ce moment. Un petit groupe de rock aussi, Last Train, c’est génial et sur scène ils sont extra. Ah mais attends, j’en ai encore ! Petit fantôme ! Il est vraiment vraiment excellent, c’est un artiste que je suis depuis un sacré moment et il est vraiment super !
Et en ce moment, y’a un duo qui cartonne qui s’appelle The Lemon Twigs aussi, vraiment bons ! Voilà.
SR : Peux-tu me donner des exemples de concerts récents qui-t-on marqués ?
Mark : Non, je ne peux pas hahaha (rires). Tout simplement, parce que je ne vais quasiment pas en concert.
SR : Vraiment ? C’est surprenant !
Mark : Pas tant que ça, je connais très peu d’artistes qui vont voir des concerts au final, tu sais. Et puis après il faut savoir aussi que j’ai des tendances agoraphobes, alors me tenir au milieu de plein de gens pour ce genre d’événements, c’est pas du tout mon délire.
Et puis tu sais, quand t’es dans ce milieu-là, tu connais toutes les farces et attrapes, t’as un œil encore plus critique « ah oui, bon il fait ça, oui d’accord, trop facile ça hahaha » (en mimant un spectateur dans une salle de concert).
SR : Un dernier mot pour la fin ?
Merci pour ce bon moment, c’était très sympa !
- Propos recueillis par Marion ARNAL.
- Crédit photos : Fab Mat pour Pixscenes
Merci à toutes les personnes qui ont pu rendre ce moment possible, un immense merci à Mark & Guillaume pour leur sympathie, leur générosité et pour le temps qu’ils nous ont consacré.
Merci également au reste du groupe qui a su se rendre disponible à la fin du concert.