Retour vers le passé pour les mythiques Rolling Stones qui sortent leur 23ème disque (le premier album studio depuis 2005), composé exclusivement de reprises de blues qui a beaucoup inspiré leurs débuts, avec 12 titres plutôt érudits et méconnus, sous la houlette du fidèle producteur Don Was (par ailleurs à la tête du label jazz Blue Note).
On peut être un mythe vivant depuis 1962, âgés de 311 ans si on totalise l’âge des quatre musiciens principaux, avoir vendu plus de 400 millions de disques, êtres devenus des business man et se retrouver pour célébrer un amour de jeunesse depuis plus de cinquante ans : le blues (leur nom vient d’ailleurs d’une chanson de Muddy Waters, Rollin’ Stone, sorti en 1950) avec cet album de reprises où le plaisir de jouer ensemble se fait ressentir, et ceci dès le premier single, Just your fool (reprise de Little Walter, qui fut un immense harmoniciste) est une belle surprise : impérial à l’harmonica, Mick Jagger a encore du souffle et sa voix reste superbe. Howling Woolf est ensuite célébré à travers Commit a crime, et ce groove enivrant, avec la justesse du jeu de batterie de Charlie Watts. Le son est brut, direct mais étonnant de spontanéité : le groupe qui avait débuté dans les années 1960 par des reprises blues semble jouer les yeux dans les yeux, à l’instar du slow superbe Blue & Lonesome (du même Little Walter) enregistré en une seule prise (et faisant la part belle à la guitare de Keith Richards, qui s’offre de grands riffs blues ici et sur All of your Love).
« Come on » Incite Jagger sur I gotta go, titre tonique et entraînant (comme plus loin Just like I treat you ou Ride ‘Em On Down ; d’ailleurs, à la fin de cette dernière composition, Jagger le dit : « that was good ») ; il réitère à nouveau cette injonction sur Everybody Knows About my thing, rejoint par Eric Clapton, mais le titre s’avère plutôt décevant, sans cuivres, presque sans âme (le même intervient sur le dernier titre I can’t quite you baby, reprise très efficace de Willie Dixon, où il semble davantage se mettre au service de la bande ce qui lui vaut de applaudissements audibles de la part du reste du groupe). Sur Hate To See You Go, les rythmes jadis composés par Little Walter se révèlent irrésistibles : on sent les épaules qui frémissent, le pied qui s’agite (on peut imaginer le légendaire déhanché de Jagger sur cette chanson). Mention spéciale au titre Little Rain, titre avec des percussions rampantes, à nouveau l’harmonica est très présent, et quand il ne joue, les mots semblent claquer dans la bouche XXL de Jagger, et on ne peut que penser au mythique logo du groupe qui les accompagne depuis 1971 (et qui figure sur la pochette avec uniquement le titre de l’album).
Certains observateurs pourront critiquer l’absence de nouveautés dans ce disque, ou bien le comble de voir une musique inventée par des pauvres joués par des millionnaires. Mais force est de reconnaître que sur cet album, la magie opère : les Stones sont plutôt en forme aussi bien dans la conviction vocale de Jagger, les intéractions des guitares ou le jeu subtil de Charlie Watts lorgnant vers le jazz (un style qui le passionne), et surtout leur envie de garder allumée la flamme du blues qui a toujours brûlé en eux. Une démarche qui devrait ravir les fans de toujours et peut être en amener de nouveaux tant cet album est il faut le reconnaitre une belle surprise : ce serait être plutôt malhonnête que de dire le contraire. Difficile d’être mauvaise langue avec les Rolling Stones.
- Julien Lagalice
Artiste : The Rolling Stones
Album : Blue & Lonesome
Label / Distribution : Interscope Records
Date de sortie : 02 décembre 2016
Genre : blues rock
Catégorie : Album rock