C’est après une performance pour le moins audacieuse et dégénérée que nous avons enfin pu rencontrer qui se cachait derrière la façade mutante, imbibée de sonorités démentielles qu’est SurgeryHead. Drive Radio qualifie sa musique de “slasherwave” et cela désigne très bien ce projet extrême.
Ce premier live était extraordinaire !
Oui, c’était ma première scène ! J’étais très intimidé mais le public français a été adorable !
Ton projet est probablement le plus intriguant du line-up de cette année. Qui es-tu, SurgeryHead ?
Question difficile ! Je crois que la seule raison pour laquelle cela semble mystérieux, c’est parce que ma musique est dure à cerner. Ce n’est pas de la synthwave, ce n’est pas du métal, c’est quelque chose entre les deux de très rapide.
Tu étais déjà musicien avant ?
Oui, j’ai joué dans un groupe de métal à Dublin : de la basse, de la guitare, puis du chant. J’ai cessé parce que je ne m’amusais plus. Cela fait dix ans que je fais des expériences avec des synthés, et récemment cela a commencé à ressembler à de la musique. Avant, cela sonnait comme si quelqu’un avec des problèmes mentaux essayait de faire de la musique. Ce n’est probablement pas loin de la réalité.
Tu es seul dans le processus de création ?
Oui. Je reçois des conseils, car je ne connais pas les “bonnes” façons de produire ma musique. Mais sans aucun doute, je préfère être seul. Je m’assois et je perçois que je vais écrire quelque chose, comme si je lançais un hameçon pour pêcher une idée. C’est presque une transe et ça marche. Parfois.
Que penses-tu du terme “synthwave” pour qualifier ton projet ?
C’est une question coriace car je connais Andy, de Beyond Synth, mais j’ai l’impression que, même s’il passe parfois ma musique, il ne l’aime pas. J’adore ce podcast, c’est la bible de la synthwave. Je suis trop violent pour les gens qui aiment la synthwave. Ma musique n’est pas assez connotée 80’s, pas assez electro. On pourrait l’appeler “Splatterhouse”, comme le jeu de ce nom !
Quelles sont justement tes références en terme de musique ?
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de Death métal. Mais mes premières références pour SurgeryHead, c’est Skinny Puppy, Rob Zombie et Infected Mushroom. Et j’ai découvert Perturbator, puis GOST et quand j’ai écouté GOST je me suis dis “Waw, il n’y a pas de règles, tu peux faire ce que tu veux, tu peux faire un son de synthé qui ressemble au riff d’une guitare de death !”. Mon intention a toujours été de faire quelque chose du type de Skinny Puppy et de Rob Zombie, du shock-rock-industriel.
Ta musique est très psychotique, surtout lorsque j’écoute le morceau Witch. Est-ce que ton souhait est de déranger ?
C’est très intéressant. Je veux quelque chose d’extrêmement cathartique, pour moi et pour toute personne qui ressent intensément ma musique, qui est “connectée” à elle. Je veux que ces personnes s’identifient au héros ou au monstre plutôt qu’à la victime. Je veux que tu te sentes détruire le mal ou détruire le monde en écoutant ma musique.
C’est cathartique car je prends des choses que j’aime, c’est presque chimique, comme une alchimie. La plupart des morceaux de Video Wasteland sont fondés sur des amis à moi, parce que je vois en eux des éléments très forts. Par exemple, Pit Face est basé sur une amie qui est l’archétype de l’amazone, qui combat les hommes. Bike Fist est fondé sur mon ami Owen. Quand je le regarde, je VOIS cette chanson ! J’ai aussi participé à la bande-originale du jeu Zombie and the Dead, ce qui constitue quand même une tentative de déranger les gens. Mais la plupart du temps, je me contente d’ouvrir des fenêtres vers d’autres espaces et d’inviter à ressentir des choses, quelles qu’elles soient.
Tu as donné ta définition de l’esprit comme : “[The mind] is a mass of glitchy, half parsed data that recats to stimuli and forms a response”. Si l’esprit était un monstre, quel serait-il ?
Si l’esprit était un monstre, ce serait une horde de zombies, toujours instable, impossible à arrêter, revenant toujours à toi, et tu essayes toujours de fuir, de respirer.
Est-ce qu’on peut dire que ta musique est nihiliste ?
Non, bien au contraire !
Est-ce que tu as déjà essayé de taper “SurgeryHead” sur Google… ? Je l’ai fait pour préparer cette interview, et c’est l’une des pires choses à voir…
Non, je suis sûr que c’est dégoutant !
… Est-ce que, justement, tu réfléchis sur la notion d'”abjection” (concept crée par Julia Kristeva dans son essai Pouvoirs de l’horreur, paru en 1980, désignant un mélange de répulsion et de fascination )
Je déteste la nostalgie de la culture 80’s. Mais ce que j’aime vraiment, c’est le Splatterpunk (mouvement littéraire mêlant fantastique et énergie punk nihiliste nldr), les comics Gore Shriek. Je m’identifie au monstre ; derrière le mur de fiction, plus c’est dégoutant et dérangeant, mieux ce sera. Mais je ne réfléchis pas en terme de dégoût, c’est juste une esthétique que j’aime.
Tu es aussi écrivain, tu es notamment l’auteur de Blood Sweat Chaos. En regardant sa structure, j’ai rapidement pensé à La Maison de Feuilles de Danielewski…
Je n’ai pas lu ce livre mais ma mère m’en avait parlé après l’avoir lu. J’en ai d’ailleurs tellement entendu à son propos que je n’ai pas eu besoin de le lire…
La structure étrange de Blood Sweat Chaos vient du fait que j’ai essayé de l’écrire comme un film, avec personnage qui programme le texte lui-même.
Essayes-tu, à travers toutes ces formes d’expression, de créer une sorte d’oeuvre d’art totale ?
D’une certaine façon, oui. Je suis en train d’écrire un nouveau livre, il est lié à l’album de SurgeryHead, une sorte de prequel. Plus je vais créer mon propre monde où tout est connecté, plus je pourrai faire retour sur ma propre vie. Si je devais mourir et me réveiller en explorant ma propre fiction, je voudrais avoir un vaste monde à explorer.
Peux-tu me dire quelle oeuvre d’art reflète de la manière la plus exacte ton état d’esprit ?
Dario Argento, Mike Wasion -un de mes amis écrivain. Et des groupes de Death Metal, spécifiquement Cattle Decapitation, et GOST. Voici mon âme !
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