Prenez un shaker grand format. Mettez-y trois Anglais, un Grec, une bonne dose de nostalgie et un soupçon d’insouciance. Secouez fortement, ajoutez une rondelle de punk et allongez abondamment le tout avec un florilège des 80’s. Vous obtenez Beach Baby et son premier album No mind no money, un cocktail musical à consommer sans modération. À vos enceintes, odes à la jeunesse oisive et déjà mélancolique à l’écoute !
Placé en début de disque, Limousine n’est autre que la petite perle aux accents de rock new yorkais parue sur un EP de 2015. Pour ce titre, les critiques avaient déballé le tapis rouge. Ouvrant tout de go sur une rythmique punk, un riff de guitare claire surgit. Quelques notes vont et viennent tandis qu’une puissante basse vrombit inlassablement ; un pont emprunt aux Strokes s’intercale finalement avant de relancer le motif principal une dernière fois. Effectivement, c’est un morceau direct que l’on n’hésite pas à rejouer de suite. Ah, il y a en encore 10 autres après. Bon, …
Après cette première mise en bouche, Lost Soul offre une pop vitaminée, avec une dominante de chorus, une récurrence sur l’album. Le thème musical du refrain est confié à un clavier surprenant et flirtant avec la justesse des notes aigues. Le son des guitares rappelle des grattes cheap des années 60 avec ce fameux son « twang », comprendre très aigu et instable. Metronomy semble jouer en coulisses.
No mind no money est un solide single. Ce morceau de pure pop rayonnante transpire le bien-être, la décontraction grâce à une guitare chaloupée, un clavier enivrant tant sur les couplets que sur les refrains. Les harmonieuses voix des guitaristes, Lawrence Pumfrey et Oliver Pash sont redoutables. La fin gagne en intensité avec l’ajout de sons distordus. Un régal. On se laisserait volontiers flâner quelques heures au soleil sur des pelouses avec le titre dans les oreilles.
Introduite par un crescendo à la limite de la saturation, Sleeperhead est une chanson enlevée, toute basse dehors. Le refrain est précédé de chœurs et lorgne vers un punk rock très West Coast. Sans ces guitares brillantes, on hésiterait presque avec du Weezer. Une nappe de clavier à la Brian Eno vient conclure et faire redescendre la tension. Une transition intelligente qui permet d’annoncer la suite très eighties de l’album.
Dès lors, la nostalgie est palpable : s’appuyant sur un riff de clavier, Smoke won’t get me high reprend avec rigueur les codes de cette décennie tant décriée : une basse abusant de slides, des accords sèchement joués, des arpèges et les lignes mélodiques des voix lancinants. Cultissime !
Hot weather confirme cette ambiance revival : des attaques de guitares caractéristiques, une batterie peu démonstrative et un clavier pour enrober le tout. Dire Straits MTV … il ne manque plus que les spots multicolores qui bavent sur la pellicule. Même le final, tout en ralenti est raccord.
Retour vers le futur avec les titres Ladybird et U R. Le premier semble tiré de la discographie des Coldplay. En effet, malgré une guitare acoustique désaccordée, la formation londonienne vampirise les recettes de Chris Martin : la déclamation des vers, la mariage des guitares et du clavier, un refrain efficace à souhait et un pont évanescent laissant place à un final boosté par une disto et des flangers. Le second morceau demeure dans ce sillage. Sur un motif bardé de chorus et de réverb, des arpèges se diffusent et contrebalancent avec la basse toute en rondeur d’Iraklis. Quant aux chœurs, ils installent l’auditeur dans un univers coutumier, celui de la musique pop rock britannique actuelle.
Passé cet interlude très contemporain, les Beach baby nous catapultent à nouveau dans le XXe siècle avec Bug eyed and blonde. Dès le premier beat de batterie, on est face à une chanson d’amour kitsch. Recourant à un synthé hasardeux, une lourde boite à rythme, une basse exubérante et des chorus poussés au maximum afin de faire résonner les notes, l’ambiance créée est foutrement larmoyante. À bien y réfléchir (et réécouter aussi), faire un tel titre en 2016 est d’un culot sans pareil !
Powder baby est un savant mariage des années 80-90. Dotée d’une boite à rythme recouverte d’une claquante réverbération et d’un clavier proche d’un Bontempi de supermarché, l’ambiance désuète des couplets est balayée par une guitare saturée jouant des bends. Avec une fin aux intonations hypnotiques (telles du Brian Jonestown Massacre), ce riff d’une simplicité déconcertante, renforcé par des chœurs, risque bien de rester ancré dans la mémoire de l’auditeur. Fredonnements nombreux à l’horizon.
How lucky you are clôt l’album sur une dernière balade profondément mélancolique. Un synthétiseur, façon Just like heaven, délivre de longues nappes hésitantes et un beat électro digne d’un métronome s’associent à des guitares, une électrique distillant des accords glaçants, tandis que l’acoustique rythme cette chanson crépusculaire. La batterie de Hodgson entre à mi-parcours, lente et solennelle. Les deux voix se rejoignent sur la fin des vers et le refrain, conférant une chaleur rassurante dans ce paysage sonore désolé. On semble perdu au milieu de nulle part. Le charleston s’ouvre une dernier fois et ne se referme pas. Une fin en pointillés, géniale et suspensive.
Armés d’un nom trompeur – on pense inévitablement aux Beach Boys à leur surf music, voire à la chanson éponyme de First Class – (Oliver Pash reconnaît avoir été bercé par les harmonies des groupes des années 60, Beatles en tête), ces quatre Londoniens sont nostalgiques d’une période moins lointaine. Les influences sont avant tout britanniques (les XTC, The Smiths, Stone Roses) même si des flirts avec la scène US sont patents (Limousine peut évoquer le punk de New York, les Ramones) ; rappelons que Pumfrey évoluait précédemment au sein de formations dudit genre.
Dansant, nerveux, oisif, triste, larmoyant, synthétique, angoissant,… tant de qualificatifs pour décrire No mind no money, un premier disque en guise d’anthologie des années 80.
Car disons-le : débuter sa discographie par un album revival tient du challenge, mais peut s’avérer payant (à l’instar des Strokes avec Is this it). Ici, le pari est gagné. Les Beach Baby sont déjà dépositaires d’un son bien identifiable et d’un savoir-faire génial pour créer des morceaux réussis : des riffs accrocheurs, peu de fioritures, des voix cristallines et beaucoup de chorus, un effet daté, honni mais aujourd’hui audacieux (Nirvana l’avait dépoussiéré avec Come as you are; encore une référence citée par Pumfrey).
Après l’avoir (beaucoup) écouté, ce premier opus invite à fouiller sa discothèque des années 80 ou à courir les puces, en quête de vinyles de cette période moquée mais en pleine renaissance.
- Benoît GILBERT
Artiste : Beach Baby
Album : No mind no money
Label / Distribution : Islands Records
Date de sortie : 02 septembre 2017
Genre : Rock
Catégorie : Album Rock