En arrivant sur le site vers 20 h, deux bonnes nouvelles sont rapidement connues. D’abord une affiche « complet » à la billetterie (qui entraîne quelques déceptions chez des festivaliers à cours de billets) mais démontre le succès du festival, en dépit de l’annonce de la déprogrammation de The Shoes remplacé par Griefjoy. Et puis le premier titre des Naïve New Beaters résonne depuis la scène Citadelle : le groupe électro-disco-rock donne le ton de cette dernière journée à l’affiche très alléchante.
Et on n’a pas été déçu. Aussi bien par l’énergie déployée sur scène (avec les célèbres déhanchements de David Boring, jamais ennuyeux !), que des relances incessantes pour faire danser le public dans des combinaisons mi kitch mi futuriste, à la croisée improbable des Rubettes, d’Orange Mécanique et des Hives, et des titres puissants (parois daft punkien, tantôt proche d’Empire of the Sun).
Les titres s’enchaînent pour le plus grand plaisir des festivaliers, à l’image du toujours efficace La Onda, suivi peu de temps après par Run Away, avec une grosse batterie et des guitares excitées. Des morceaux entrecoupés de messages en français et en anglais adressés au public (avec de nombreux Big Up !), tout heureux de participer à ce set dansant particulièrement festif. Le concert se poursuit, le public reconnait l’excellent Heal Tomorrow (autre extrait de leur dernier album A la folie). La prestation se termine sous les applaudissements nourris de la foule (avec un dernier Big Up pour Victor Hugo, Besançon et la Citadelle !) : les Naive New Beaters ont plus que rempli leur contrat et ont accompli une performance remarquée et appréciée.
Plus que jamais, l’éclectisme était de rigueur pour cette dernière journée de Détonation.
En effet, pendant que le duo Vague Scare fait souffler de nouveaux titres aux accents glaciaux sous un ciel menaçant – une touche gothique que l’on aurait imaginée de façon idéale mise en scène à La Friche, sous des atours industriels -, les Puppetmastaz élargissent des sourires dans le public avec leurs marionnettes aux platines. Cold-wave minimaliste au vocabulaire rempli de trouble et de peur VS hip-hop tapageur, ce sont deux genres latéralement opposés qui ont attiré des publics distincts.
Puppetmastaz, d’un côté, proposait une mise en scène où les marionnettes du Muppet Show dansaient sur du Hip Hop. Disons (avec tout le respect dû aux musiciens) que ce fut le bon moment pour aller se désaltérer et parcourir le site, et surtout pour se diriger jusqu’à la joyeuse contrée du Vladkistan pour écouter Vague Scare, entre dark wave eighties et synth pop chatoyante. Tout de noir vêtus, le duo fait revivre les fantômes de Joy Division (Elegant Crime) le tout avec une élégance remarquable (War Walk). C’est d’ailleurs bien dommage que la sonorité soit si défaillante du côté du Vladkistan. La noise de Spanked, la Dark Wave de Vague Scare et la techno de Frêle n’auront malheureusement pas pu être suffisamment mises en valeur.
Pour beaucoup, Vague Scare fut une belle découverte au pied de la Citadelle, dans une caravane bien équipée et avec un dernier avantage : la grande proximité avec la plus grande scène du festival, histoire d’être bien placé pour le concert de La Femme.
Il est un peu plus de 22 h quand le groupe très attendu monte sur scène. Fort d’un deuxième album très bien accueilli par la critique et d’une (déjà) solide réputation scénique, c’est dans une ambiance bleutée que le groupe salue son public. Et dès le premier titre, Sphynx, magnifique morceau synthétique et hypnotique, le ton est donné : ce sera urgent, brutal et sensuel. Devant un public acquis à sa cause, le groupe français enchaîne les titres dans une grosse ambiance, comme Où va le monde, Mycose, puis Si un jour, où l’on devine l’influence de groupes majeurs des années 1980 (tel Taxi Girl ou parfois The Cure). L’énergie est tel que le claviériste est déjà torse nu, le set endiablé semble être une machine à danser qu’on ne peut arrêter (seul le titre Septembre, fausse chansonnette naïve, ramène un peu de calme).
La seconde partie du concert permet une plongée dans des morceaux du premier album, comme Sur la Planche où Nous étions deux, le tout dans une grosse furia et des musiciens se donnant sans retenue. Le chanteur des Naive New Beaters s’est même joint à la foule incognito et semble lui aussi apprécier le spectacle. Pas de temps mort durant ce concert, les titres s’enchainent (avec un subtil jeu de lumières), pour finir en apothéose avec Antitaxi. On ressort éreinté d’une telle expérience. Si vous avez oublié le 8 mars, il y avait ce samedi une superbe journée de La Femme à Besançon.
Le festival après ce temps fort se poursuit, et c’est un tout autre registre musical que propose la scène Etincelle avec le groupe rock Night Beats, un trio originaire de Seattle.
Night Beats, ce sont trois texans qui distillent un rock qui envoie du lourd. Pas de chichis, pas (ou très peu) d’effets sur la guitare, c’est ainsi que le groupe nous offre un son pur directement sorti de l’ampli, à mi-chemin entre Jon Spencer, BRMC et les Stones. Leur son est psyché et old school à souhait, leurs choix artistiques ne laissent personne indifférent. Ce soir, Night Beats vont nous présenter leur album Who Sold My Generation. Le batteur et le bassiste rentrent sur scène, suivis par le leader Danny Lee-Blackwell. Le charismatique chanteur se donne à fond et c’est dire que nous rentrons dans leur univers sans crier gare. La prestation est sans bavure, les morceaux aussi bons les uns des autres sont déployés à une allure effrénée. Leur surpuissant single No Cops enjaille la foule qui semble prendre un plaisir immense à assister à cette messe garage. La sensualité est également de mise avec des titres plus dans la retenue, à l’instar de Egypt Berry, un titre psyché joué en rappel. La rythmique du morceau est sidérante, les breaks de batterie renversants. Une belle leçon de classe vient conclure un set qui s’est écoulé trop vite. Il est dommage que le public ait été autant clairsemé et peu attentif à cette prestation, un peu à l’image d’un député qui n’a fait que passer devant la scène. Certes, la programmation offrait deux autres performances en même temps, mais c’est dommage pour ce groupe que l’on espère revoir par ailleurs.
Du côté de la Friche, c’est une programmation sans temps mort qui nous donne envie de voir ce lieu investi plus souvent : le cadre est idéal, abrité et industriel.
Plusieurs DJ set s’enchaînent, avec notamment la présence de Zerolex et Lillea Narrative de Cotton Claw, qui ont invité leurs amis Oblique, Sorg et Napoleon Maddox, puis Superpoze et French 79 en clôture de soirée.
Mais il n’est encore que minuit, et la scène de la Citadelle s’apprête à accueillir le quatuor niçois Griefjoy. Appelé à la dernière minute pour remplacer The Shoes dont un des membres est malade, le groupe joue pour la deuxième fois à Besançon dans ce genre de circonstances délicates. Les artistes s’excuseraient presque d’être là, mais d’entrée de jeu, ils prouvent que leur présence n’est pas anodine et qu’ils ont également toute leur place dans ce festival. Sans attendre, c’est alors que synthés et rythmiques électroniques font leur apparition, leur rock électro (à l’instar du beau titre Why Wait) fait mouche et l’usage du piano apporte une touche mélodique à l’ensemble. Le set est convaincant mais est-ce la fatigue (ou un peu de déception) qui explique l’enthousiasme relatif des festivaliers ?
Pour notre part, on regrette que le groupe ai opté pour le parti pris d’inclure à tout va des sonorités électro dans leurs compositions, leur prestation live en est ainsi devenue ennuyante et sans grand intérêt. Les infrabasses, synthés et pads prennent trop le devant, au détriment des guitares, et c’est bien dommage car le potentiel de ce groupe est pourtant énorme. Les titres de leur second album laissaient d’ailleurs présager ce constat, alors que le premier opus était très prometteur, grâce à des titres rock catchy entremêlés avec parcimonie de nappes et samples bienvenus, leur deuxième effort studio était davantage lent et monotone.
Cependant, la prestation live de Griefjoy est malgré tout une réussite, les musiciens prenant du plaisir à jouer et communiquant avec un public conquis massé en nombre devant la scène. Le final avec le tube Touch Ground permet également au groupe de tirer son épingle du jeu dans une partie qui n’était pas gagnée d’avance.
On se presse finalement pour voir le trio infernal Yak. Le groupe prend place sur scène et délivre sans plus tarder leur rock garage un brin punk et psyché. L’attitude des trois musiciens vont de pair avec leur son, assez grunge et très rock’n’roll. Le set est intense, on assiste à une véritable fête, le public s’amuse à tel point que des pogos commencent à se former, au grand regret des vigiles qui essayent tant bien que mal de calmer le jeu.
La distorsion des guitares est lancinante, les effets hypnotiques du synthé s’enchaînent, on est véritablement pris dans un tourbillon musical durant plus d’une heure. Les titres de leur premier album Alas Salvation sont terriblement efficaces sur scène. D’ailleurs, le trio londonien affiche une aisance scénique hors pair. Le chanteur-guitariste Olivier Burslem est en transe, il saute partout, allant jusqu’à slammer dans le public. Lorsque la basse de Take It résonne, on remarque que l’accalmie est de courte durée car la formation dénote d’une fougue intense, on sent comme un besoin viscéral qu’à Yak d’exorciser leur trop plein d’énergie en live, pour notre plus grand plaisir.
C’est sur ce refrain que nous quittons le festival, sourire aux lèvres, requinqués par ce dernier concert malgré l’heure tardive. Le festival Détonation continue année après année de grandir et devient « un vrai festival » : on remarque à la vue du nombre de festivaliers présents que le festival prend de l’ampleur, c’est tout à leur honneur. Les programmateurs auront cette année encore su nous surprendre à travers une programmation riche et éclectique. Rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle édition, on l’espère aussi palpitante que cette année. Merci encore à la Rodia pour la qualité de la programmation, l’organisation irréprochable et ce cadre magique qui fait le bonheur de tous.
- Julien LAGALICE
- Alexandre LAMY
- Clémence MESNIER
- Marion ARNAL
Crédits photos : Julien Lagalice, E+N Photographies, Kemmons, Julien Hernandez