Forte de ses 110 000 entrées payantes sur les trois jours, la 14ème édition aura laissé son empreinte dans les tendances qui gravitent autour de la musique rock en live. Les organisateurs conviennent volontiers que le rock est davantage un esprit qu’un riff de guitare saturée. On pouvait constater que même les concerts de milieu d’après-midi remplissaient. Ce qui n’est pas chose évidente au regard de ce type d’événement, sauf si l’on tient compte de la répartition des têtes d’affiche et groupes émergents dans la journée.
Le samedi soir, il a fallu choisir entre les Naïve New Beaters qui, comme le précisait le chanteur David Boring sur scène, faisait leur come-back à Rock en Seine six ans après leur dernier passage, et Massive Attack qui déboulait avec une surprise. Naïve New Beaters allait promouvoir honorablement son troisième album avec une envie déclarée. Quel ne fut pas mon dilemme face à un choix qui ne laissait que peu de temps pour me décider. Tant et si bien que la prestige d’un concert de Massive Attack a tranché. Je devais ainsi m’arracher au plaisir qui s’offrait à mon instant. Retenu par la musique et l’enthousiasme d’un Boring plutôt loquace, Je m’éloignai péniblement de la scène de l’Industrie après trois chansons des Naïve New Beaters. Au départ, les palitos (technique de rythme afro-cubain qui consiste à marquer le contretemps) que les congas faisaient dominer, renforçait les airs chaloupés des sons funky. Les deux morceaux suivants, sans congas cette fois, poursuivaient dans cet élan funk et dansant. En m’éloignant, les basses de Massive Attack qui jouait sur la Grande scène m’ont happé.
Le set de Massive Attack était empli de gravité. S’installait une ambivalence d’un morceau à l’autre. Et puis, la fameuse surprise, Tricky est venu donné le change. Bien plus qu’un guest, l’artiste a accompagné le concert.
Le lendemain, dernier jour du festival, la température sous le soleil se voulait moins pesante. Et vers 16h, les fans étaient impatients d’accueillir Editors. On eût droit à un florilège des différents albums. A commencer par les titres dont la base rythmique répétitive rappelle la marque de fabrique de groupes cold-wave du milieu des années 2000. La voix particulièrement reconnaissable de Tom Smith se montrait parfois glaçante, parfois ouverte et ascendante, selon les chansons. Entre rock indé et nappes de synthétiseur, le groupe anglais a extrait le meilleur jus de sa musique hybride, avec en prime un tout nouveau morceau. Ce dernier, assez minimaliste et plus proche de l’électro que du rock à guitares, contrastait avec un certain moment pop. Ce concert d’Editors reste dans les esprits comme ayant été efficace. Mais l’on peut regretter qu’il n’ait pas dépassé les 50 minutes…
Les dernières heures du festival allaient être impétueuses. D’abord avec Ghinzu, sur la scène Cascade. Le groupe libérait toute l’énergie pop-rock de leurs compos, sans toutefois aller entièrement dans l’extravagance des premiers albums. Plus tard, Iggy Pop allait de son côté combler la Grande scène. Un drôle d’effet m’a pris dès les premières notes. De quoi mettre la larme à l’oeil. Nouveaux comme anciens morceaux ont été unis dans la boule de feu. Celui que l’on surnomme L’Iguane a montré son éternelle vivacité. Quand entre deux chansons il déclarait qu’il ne mourra pas, le public approuvait ! Sans pause, sans morceaux calmes, Iggy Pop a mis un peu de jazz pour colorer quelques titres. L’artiste demeurant indémodable, il incrustait des sonorités modernes, tout en conservant sa propre vision du rock. Au bout d’une heure et quart de show avec Iggy Pop, Rock en Seine 2016 s’est achevé sur les Anglais de Foals. Là, il s’agissait plutôt d’un rock aérien, introduit par une bonne dose d’électro elle aussi aiguë. Des plages de sons bien fournis précédait des poussées puissantes sur des rythmes disco. Une guitare s’amusait en phrasées mélodiques avec des effets de réverbération pendant qu’une autre allongeait une nappe grinçante. Quelques fois les deux instruments rivalisaient et s’entremêlaient.
— La quinzième édition de Rock en Seine se tiendra du 25 au 27 août 2017.
- Fred
Crédits photos :
Massive Attack : Christophe Crénel
Editors, Iggy Pop : Olivier Hoffschir
Ambiance : Victor Picon
