Ce 8 avril dernier était marqué par le deuxième jour très attendu de l’Impetus Festival. Le festival, aux programmations toujours pointues musicalement parlant et d’un éclectisme assez déstabilisant, en a scotché plus d’un en invitant le mythique groupe de post-hardcore d’El Paso At the Drive In. Récemment reformé pour une tournée mondiale seize ans après la sortie de Relationship of Command, At the Drive In venait aux Docks à Lausanne pour la seule date à proximité de la France. Le public suisse et français s’était déplacé en masse pour assister à trois concerts d’une qualité incontestable avec en première partie Le Butcherettes et La Muerte.
Ouverture des portes à 19h45 aux Docks à Lausanne, salle de concerts que certains d’entre nous découvraient pour notre plus grand plaisir. Structures boisées, ambiance fuligineuse et public clairsemé pour cette soirée qui débute avec Le Butcherettes, trio rock garage de Guadalajala. Mené magistralement par la chanteuse guitariste Teri Gender Bender, Le Butcherettes est une des découvertes les plus fascinantes de l’Impetus.
Formé en 2007, le trio issu de la scène underground mexicaine présentait son dernier album Raw Youth. Aussi déluré qu’engagé politiquement – les textes sont centrés sur la place des femmes aux Mexique – Le Butcherettes heurte littéralement son public. La chanteuse d’un charisme scandaleux déambule telle une poupée désarticulée vêtue d’une robe en tulle rouge. Elle percute par sa gestuelle rappelant celle d’une marionnette grimaçante sortie d’un film gore. A noter que le groupe est connu pour des prestations sanglantes, habillé de tabliers de cuisine ensanglantés.
Relevant sa jupe au cours de gesticulations quasi-sexuelles, Teri Gender Bender transmet une énergie folle aux spectateurs en réalisant une danse furieuse au milieu de la foule. Sa voix, tantôt rauque, tantôt criarde dissone et survole batterie et basse – d’une efficacité remarquable au passage – tout en réalisant une danse endiablée au milieu de la foule. Le set se termine sur un engouement général de la part du public.
L’ambiance s’alourdit très vite avec l’arrivée de La Muerte qui prend le relais. On se croirait dans un bar d’Une Nuit en Enfer, tant par la musique et la théâtralité du groupe. Les 5 gars proposent un rock qui sonne comme du Motorhead. Il faut dire que ce groupe belge n’est pas né hier. Leur dernier album date de 1994. Après des années en dents de scie, ils se sont reformés l’an dernier et enchaînent plusieurs dates et festivals prochainement.
Sur scène, on trouve un chanteur avec un sac de jute sur la tête, un guitariste à cour qui officie devant un véritable autel. On peut dire que l’univers est très travaillé, singulier, et en impose. Les morceaux s’enchaînent. La fin du set devient plus doom, dark et hypnotisant. Le public apprécie et applaudit à tout rompre. Il n’y aura pas de rappel. 22h, les techniciens s’affairent au changement de plateau.
At the Drive In (ATDI) : groupe de post-hardcore alternatif texan, légendaire, a plus de 20 ans de passif. Est-il nécessaire de rappeler leur parcours incroyable commencé dans les 90’s avec un premier album en 1994 Hell Paso, puis Casino In/Out, Vaya, jusqu’au monstrueux Relationship of Command. Fusillé en plein envol, le groupe se pose sans date de reprise un an après la sortie de cet opus au succès planétaire. Mais enfin : les revoilà reformés cette année pour une tournée européenne commencée fin Mars. La scène suisse sera leur avant-dernière étape, et pour le plus grand plaisir de la foule, ils ne semblent pas usés par leur tournée.
Le public lausannois semble attendre ATDI, la fosse se désemplit rapidement pour de nouveau se constituer en groupe compact. Beaucoup sont allés chercher une bière rapidement, pour revenir avec ce grand gobelet qui va s’avérer mortel. 22H30 : ATDI entre sur scène.
On est serrés devant ? Eh bien, on va être E-CRA-SÉS ! Car ATDI attaque avec Arcarsenal (premier titre du dernier album) et ça suffit à mettre le feu au pit, les vagues violentes sont lancées, et les bières citées tout à l’heure se vident à coups de bousculade et s’envolent par-dessus les têtes (ce sera le sport de la soirée). Au milieu du morceau, les gens murmurent « have you ever taste this skin » avec C. Bixler, on sent que ça va chanter toute la prestation.
Le début du set va être très énergique et branché sur le dernier album : on enchaîne alors sur Pattern Against User, Sleepwalk Capsules.
Le son est très particulier avec une batterie pleine de réverb, une Snare très claquante, et la guitare Jardin plus forte que sa voisine, mais le chant de CB sort très bien et lui permet de démontrer sa maîtrise. Le groupe ralentira un peu la cadence pour la suite du set.
ATDI ira faire un tour aussi du côté d’autres albums avec par exemple, 300 MHz de l’album Vaya avant de revenir sur Cosmonaut et amener un éclairage sur l’album Casino In/out avec le magnifique titre Lopsided qui prouve la réputation de ce groupe, capable d’une forte variété de titres. On repart ensuite avec un terrible Invalid Litter Dept (sur lequel CB sortira son Mélodica). Ces derniers morceaux sont vraiment très bien exécutés, on se dit que le groupe a posé son set sur nos crânes…
Nouvelle estocade avec ensuite un de ces morceaux « cultissimes qui font hurler la salle » : Enfilade. Un tour de nouveau sur l’album Vaya sur la base des deux morceaux ; Métronome Arthrisis et Proxima Centauri, la salle est chauffée à blanc, prête à flancher.
Enfin, ATDI décide d’achever le boulot en amenant (surtout) Quarantined et Catacombs qui vont finir d’avoir raison des dernières forces de ceux qui résistent dans la fosse ou contre les barrières depuis le début.
Cédric prend la parole pour remercier le public, notamment européen, pour son accueil. Il raconte que les choses se sont déroulées moins facilement à domicile pour eux et où ils ont dû batailler pour qu’on leur « ouvre les bras », ce que fait l’Europe depuis 2 semaines. L’effet est immédiat, ATDI lance un dernier One Armed Scissor qui suffit à déchaîner une dernière fois la salle. Cédric passera du temps à remercier et serrer quelques mains avant de quitter la scène. Il est quasi minuit.
En bref, un concert avec le best-of des albums qui ont fait la réputation du groupe. Tous les albums y sont passés, avec une prédominance (évidente) de titres issus de Relationship of Command. La foule s’est époumonée sur un paquet de titres. Tout le monde est trempé, de sueur ou de bière, le set a été classe, le light-show bien senti.
Seuls regrets de la soirée, le litre de bières qu’on a pris au travers, sur les fringues et/ou en plein crâne et le merchguy ATDI qui refusait les euros (on cherche encore pourquoi, d’autant que le groupe est sur la fin de sa tournée qui a traversé les capitales européennes). MAIS : on a vu ATDI, et ça, ça valait bien d’être mouillés et quelques kilomètres plus nombreux qu’à l’accoutumée.
-Solène Barbier (pour Les Butcherettes)
-Stéphane Laurent (Pour La Muerte et At the Drive In)
N’ayant pas reçu d’accréditation photo, nous n’avons pas été en mesure de fournir des clichés de cette soirée.
Crédits photos At the Drive In : Sandra Sorensen