C’est fort d’une première édition au succès avéré, tant sur le point de la programmation que d’un public demandeur au rendez-vous, que le Kaiju Masqué (association du festival Synthzilla) a organisé un entrainement avant le deuxième round du festival.
La soirée est construite selon la même structure que le 31 octobre 2015 : en premier, un groupe émergent de synthwave pour faire monter la pression (Confrontational en octobre, Tommy 86 cette fois-ci) ; ensuite un artiste plus “électronique”, aux influences 80’s moins prégnantes (Thomas Barrandon et maintenant Das Mörtal), et enfin les deux dernières têtes d’affiche pour retourner la salle (l’américain GosT a remplacé Carpenter Brut tandis que Perturbator revient avec de nouveaux morceaux).
Le cockpit signé James Kent occupera la scène et sera mis à disposition des quatre artistes de ce soir. Tommy 86, dont les tracks circulent depuis quelques temps sur les réseaux sociaux, performe pour la première fois en live. Son style prend appui sur de belles mélodies : il a intégré les points forts des lignes de basse et des synthés grinçants de ses prédécesseurs. Nous avons beau être un jour de semaine, le public se masse déjà nombreux. Un set sans pause, sans mot, sans relachement jusqu’au point final. C’est seulement à ce moment-là que Tommy 86 relève la tête et qu’un sentiment de soulagement se fait ressentir sur son visage.
L’un des points forts de cette soirée, c’est la présence de l’écran en arrière-fond qui vient renforcer l’engloutissement dans chacun des univers présentés ce soir. Après une première immersion fort réussie par Tommy 86, c’est à Cristobal Cortes (aka Das Mörtal) de reprendre le flambeau. Dj passé par Berlin et oeuvrant maintenant au Canada, son passage éclectique se nourrit de diverses scènes électroniques, de l’EDM à l’indus, pour étaler un techno tentaculaire aux gimmicks vite assimilés. Le tube La Pussy (et la projection de son clip tordu et surréaliste) s’achève sur des beats vrombissants qui font tressaillir le système de sonorisation. On sent que Das Mörtal s’est formé à la culture du clubbing berlinois.
Les premiers rangs ont donc déjà bien sué avant même que le très attendu GosT ne fasse son entrée, pour la première fois en tournée en France. GosT ménage son arrivée : les lumières se baissent, une voix d’outre-tombe égrène sa narration sur un ton épique. Et d’un coup le set est lancé par surprise, déchaînement sanglant. Persistant dans l’anonymat avec un masque de crâne du plus bel effet, GosT étonne dans la façon de se mouvoir, élégante, rythmée, comme en apesanteur. Recouvert de cette allure à l’iconographie brutale, il s’affaire avec une gestuelle de mains tendues, ésotériques. Même si nous ne pouvons voir ses expressions, sa seule attitude laisse percevoir un enthousiasme certain, une spontanéité communicative. Chaque morceau de Behemoth est une bombe qui explose aux premières note. Sorcier aux manettes de ses coups de tonnerre, cela n’empêchera pas que certains passages se chargent d’émotions pour faire penser à la bande-originale d’Interstellar, dans une ambiance à la fois mélancolique et puissante.
On dit souvent que la synthwave est le seul genre à réconcilier électro et métal, en attribuant ceci à l’entrée de ces artistes dits “synthwave” dans le catalogue du label Blood-Music. Sans superflu, GosT vient de nous expliquer en acte pourquoi, au-delà du choix d’un catalogue.
Le public, secoué par cette performance, ne prend pas le temps de respirer avant que Perturbator ne vienne envoyer un set parsemé de spoilers concernant son prochain album, The Uncanny Valley, que l’on a cette fois vraiment hâte d’écouter intégralement. A la différence de GosT, proche de son public et virevoltant d’un bout à l’autre de la scène, Perturbator a toujours sa capuche vissée sur la tête, de laquelle ne ressort qu’un regard noir et offensif. Est-il encore nécessaire de développer sur un live dont nous avons déjà beaucoup parlé ? (Le Synthzilla). On pourrait faire se succéder des adjectifs : torrentiel, véhément, tempétueux, excessif, brusque mais harmonieux.
Dans l’axe est de la France, nous avons ensuite assisté au passage de la tournée Pertubator/GosT à Strasbourg deux jours plus tard. La petite salle de La Laiterie était sold-out, mais Dan terminus, devant assurer la première partie, manquait malheureusement à l’appel. Il est donc encore tôt quand les premiers échos de la narration d’outre-tombe initiant le set de GosT est lancée. Une fois celle-ci achevée, le déferlement est parti mais une coupure de son vient s’interposer pendant la montée (au sens sonore et physique : les décibels sont en train de grimper et GosT escalade le cockpit, débranchant la prise). La première moitié du set développe son son entre harmonies et violence tandis que la dernière prend des allures dubstep. C’est d’ailleurs l’impression qui ressortira du passage de Perturbator à Strasbourg avec la prédominance assourdissante des basses, comme un équilibre rompu.
On saluera donc une nouvelle fois l’initiative du Kaiju Masqué pour cette soirée consacrée à la scène synthwave, avec un favoritisme pour les performances du Jack Jack. Public fervent, ambiance survoltée mais bienfaisante, line-up équilibré entre la découverte et l’acmé.
-Clémence Mesnier / + photos, voir galerie