La trajectoire « Stelle Fisse Live Tour », de la comète Aucan, a fait escale à Besançon avant de prendre la direction de Lille. Stelle Fisse, du nom de leur dernier album, désigne des « étoiles fixes » plutôt que filantes. D’étoiles, il en est particulièrement question dans l’actualité de ce lundi 11 janvier, journée pétrifiée où l’un des astres le plus étincelant et protéiforme s’en est allé scintiller ailleurs, en « franchissant la porte du sas / Flottant étrangement. / Et les étoiles semblent très différentes aujourd’hui » **.
Dans un premier LP éponyme (en 2008), le trio italien relevait plutôt d’une construction post-rock avec une filigrane continuelle de claviers. Est arrivé ensuite Black Rainbow (en 2011), album trip-hop qui avait été préfiguré par un ep, DNA. En novembre dernier, Stelle Fisse était donc attendu en se demandant ce que cette fois-ci l’aucanisme allait révéler. D’autant plus qu’Ep1 s’était glissé entre-temps, en 2014, prenant une tournure violente, électro-clash qui pouvait même rappeler Prodigy. Un an après, on a retrouvé cette recette électronique, mais encore plus sombre dans sa version enregistrée. Qu’allait donc devenir ce Stelle Fisse en live ?
Une toile de projection barre l’accès aux loges ; devant elle s’étale une configuration de scène en face à face. Jo Ferliga et Francesco D’Abbracio se placent de chaque côté. Sur cet espace réduit, les claviers Nord Lead semblent encore plus imposants.
L’entrée en matière se fait sur une electronica progressive, le temps d’ajuster volumes et tonalités. Une pluie de météorites s’abat. Le rythme augmente graduellement pendant que les passages vocaux sont défigurés sous le coup d’effets retors. Ici, la voix est utilisée pour son potentiel musical plutôt que pour les paroles qu’elle est susceptible de transmettre mais qui restent inaudibles.
Les étoiles explosent et s’enflamment tandis que les beats prennent toujours plus d’assise et de consistance. Les initiales d’Aucan brûlent dans un autodafé auto-dirigé. Comme ils l’annoncent eux-mêmes, l’aucanisme est fondé « sur le concept de crise permanente et d’amélioration incessante ». L’explosion et la régénération, mouvement de roue ininterrompue.
Deux tendances se suivent au cours de leur performance ; la première est axée sur des sons métalliques froids, elle cède rapidement la place à un trip-hop envenimé ou à un dub désintégré. Dans cette pluralité sonore les voix ne sont plus que des murmures visant à produire un écho et une impression de profondeur. Du feu à l’ère glaciaire le pas est franchi ; une guitare et une basse s’ajoutent à l’arsenal déjà présent. Des infrabasses font gronder les murs des Passagers du Zinc, donnant une sensation de lourdeur et de pesanteur qui nous ancre dans le sol.
Les projections suivent l’évolution des mouvements qui se dégagent des compositions : hypnose des météorites pour des débuts downtempo, incendie lors des parenthèses agressives et bloc de glace pour la masse acoustique finale. On pourrait dire que ce fut une odyssée spatiale**, mais le coeur n’y était pas.
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Clémence Mesnier
** « I’m stepping through the door / And I’m floating in a most peculiar way / And the stars look very different today », David Bowie, Space Oddity, 1969.