Ca et Là/ 2014
SLG Publishing/2010 pour l’édition originale
Derf Backderf, journaliste et dessinateur, nouveau chef de fil de la bande dessinée indépendante américaine, offre avec son premier roman graphique, Punk Rock est Mobile Homes, une œuvre déjantée, drôle et ultra référencée. Récompensé récemment au festival d’Angoulême pour sa bande dessinée Mon ami Damner qui retrace l’adolescence du serial killer Jeffrey Damner, Backderf évoque ici la condition adolescente en rendant un véritable hommage au punk new wave.
« Je pense qu’il est important que vous écoutiez de la musique en lisant cet ouvrage » précise l’auteur dans l’introduction de Punk Rock Et Mobile Homes. Bande originale à l’appui – composée de quarante-trois morceaux punks tels que Headbanger des Plasmatics, Girl U Want de Devo, sans oublier Elvis Costello, Dead Boys ou encore Siouxsie and the Banshees – Backderf, nous invite à intégrer de l’auditif au sein de son oeuvre. Une introduction qui fait saliver. A noter que vous pouvez trouver cette playlist sur I Tunes ou You Tube.
Punk Rock et Mobile Homes parle de musique sans surprise. Et après ? Cette bande dessinée nous fait suivre les pérégrinations de trois adolescents vivant à Richford, une banlieue d’Akron dans l’Ohio au milieu des années 1980. L’histoire se centre surtout sur le personnage charismatique et décalé d’Otto Pizcok, élève de terminale affilié à la section cuivre de la fanfare du lycée et étiqueté de ringard par ses camarades de classe.
Otto se fait appeler « Le Baron ». Un mélange de mégalomanie protectrice et d’autodérision qui dénote face au conformisme étouffant d’un lycée entouré de normopathes. Le Baron, au volant de sa Cougar 68 au plancher branlant, cite Tolkien à outrance tout en enregistrant ses pets dans un dictaphone.
Au milieu du parc à mobiles homes où il habite, la principale préoccupation du voisinage est de zapper entre Wonder Woman et le Country Show. Le Baron se réfugie à The Bank, salle de concert d’Akron qui fait jouer les pionniers du mouvement punk rock et où il va vivre des aventures rocambolesques. Il y inspire notamment les guêtres de Klaus Nomi, crève les pneus d’un bus avec Lester Banks et achète de la mousse à raser pour Wendy O. Williams des Plasmatics.
Sur fond de crise économique et en s’appuyant sur sa propre jeunesse, Derf Backderf nous livre un portrait désopilant et sensible d’une fin d’adolescence illustrée en noir et blanc par des graphismes naïfs d’une grande précision. Difficile de ne pas penser à I Don’t Want to Grow Up des Ramones à la fin de la bande dessinée bien qu’elle se conclue sur Death or Glory des Clash.
Un vrai coup de cœur pour ce roman graphique s’adressant aux amateurs tout comme aux connaisseurs de musique punk new wave et à ceux qui veulent sortir de la neurasthénie ambiante.
-Solène Barbier