Il aura fallu attendre plus de dix ans pour que les frères ennemis ou amants terribles, selon les points de vue, reprennent ensemble le chemin des studios. Pete Doherty et Carl Bârat, têtes pensantes des Libertines, sortent ce jour leur troisième album extrêmement attendu par les fans et médias de la planète. Résultat ? Ils ont carrément bien fait de fumer le calumet…
En deux galettes saignantes, à l’époque produit par le vénéré Mick Jones, ils avaient mis carpette tous les critiques plus ou moins respectés des années 2000. Ils sonnaient crados, se défonçaient sauvagement, et crachaient sur Buckingham Palace à coup de riffs tordus et de voix désenchantées. Hybride de punks et de néoromantiques, leurs personnalités respectives alimentaient autant les bouges underground que la presse people à scandale. Si bien qu’après deux albums, entre les bastons fratricides, les peines de cœur, les coups de « pute » de l’un et les cures de désintox de l’autre, l’improbable duo n’était jamais parvenu à se remettre sérieusement au turbin, malgré l’immense cote d’amour dont tous deux jouissaient… Ensemble du moins. Quelques timides tentatives live, ici et là, mais rien de vraiment fracassant. Indigeste même pour certains.
Cependant, les heures de gloire acquises, quotidiennement et précieusement abreuvées de potins clinquants, en plus des quelques productions solo ou non, ont suffit à entretenir la légende. Mystérieuse mécanique du show-business…De fait, le flux de fans des fantômes Libertines ne cessa jamais de croître, sur tous les continents.
Onze années sont passées sur nos carcasses… Et les leurs, évidemment…
Hackle Doherty et Jackle Bârat s’aiment a nouveau, et c’est en Thailande qu’ils sont allés partager le narguilé de la paix (définitive ?), et enregistrer quelques titres de ce troisième album. Un pur bonheur que cette réconciliation-lune de miel…
Certes cabossés d’expériences plus ou moins heureuses, mais éclairés, voire assurés, habiles, les voix presque trop justes, soudain frais et matures comme de fringants dandys pops, des gendres presque parfaits (ok j’exagère).
Deux premiers titres impeccables dans leurs bottes, l’un très Jam (Barbarians), et l’autre (j’adore), reggae-rock très Clash (Gunga Din) donne le ton paradoxal de ce remarquable coup de maître. L’étonnant et sautillant Fame & Fortune suit le mouvement léger, puis vient l’hymne ballade qui a donné son nom à l’album, avec un Doherty posé, crooner à l’anglaise, et ce refrain héroïque véritablement entêtant à vous dresser les poils. You’re my Waterloo qui enchaîne vous dresse d’ailleurs les derniers réfractaires…
Et tout cet album balance avec aisance, sonne juste, précis, et fleure bon l’écorché vif grillé au coin du feu. A l’image de Iceman très Easy Rider fin de soirée et cul de pétard, le catchy et très fauve Fury of Chonburi , ou encore le bluesy carnassier Glasgow Coma Scale Blues. Les textes sont soignés (les mordus de poésie ça se sent), les guitares savent encore claquées, et la rythmique tient facile la baraque grâce à Gary Powell et John Hassall, fidèles et excellents compagnons des débuts.
Plus surprenant de retrouver Jake Gosling à la prod, célèbre pour ces faits d’armes avec la révélation Ed Sheeran ou le boysband One Direction (oui je sais) – Surtout quand on sait que Jack White, approché, aurait pu être aux manettes s’il avait donné suite.
Mais le petit malin aura en tout cas réussi a calmer les deux vandales, et plutôt très honorablement, bien que parfois vaguement lisse…Un parti pris cohérent ceci dit…
En tout cas, si les punks, les mods, et un tas d’autres ne meurent jamais, c’est aussi parce que les Libertines sont encore biens vivants. Et ça, c’est une vraie et très bonne nouvelle…
-Peterpop
Artiste : The Libertines
Album : Anthems for Doomed Youth
Label/Distribution : Mercury/Universal
Date de sortie : 11/09/2015
Genre : Rock/Pop/Punk
Catégorie : Album Rock