Grand Blanc est un iceberg à quatre têtes pensantes, originaire de Metz, que le succès a fait chavirer vers de nouveaux horizons. Au cours de leur dérive, Benoît, Camille, Luc et Vincent font escale aux Eurockéennes de Belfort. Ils ont déja été qualifiés de new-wave, cold-wave, no-wave, bashung-core et autres noms composés. Au lieu de les catégoriser, écoutons-les.
SR : Vous êtes venus à GeneriQ à Belfort. La vitesse supérieure est passée avec votre présence aux Eurockéennes.
On est hyper contents, on a déja fait quelques scènes en extérieur et c’est un rapport différent au live qui est aussi intéressant.
Vos chansons sont en français. Comment expliquez-vous ce choix ?
C’est la langue qu’on parle le mieux. On a ni le vocabulaire ni la culture qui nous permettrait d’écrire en anglais. Les mots ne sont pas juste des mots, il y a une culture derrière, des expressions, des jeux de mots qu’on connaît en français mais pas en anglais. On ne pourrait pas faire sans cette culture.
L’un de vous est passé par l’étude de la langue française justement…
Oui mais peu importe, il y a des gens qui écrivent très bien sans avoir fait de littérature. Je suis content d’avoir pris du recul avec tout ça car auparavant j’avais une écriture de lettreux, irrespirable, qui laisse peu de place à la vie réelle. On a inventé notre musique tout en inventant notre langue, c’est un travail commun dans lequel chacun donne son avis. Mais je ne regrette pas d’avoir étudié la littérature ! C’était l’EHESS, qui permet à des personnes recalées à fac d’aller faire de la recherche là-bas.
Si vous deviez avoir des références culturelles qui vous ont marqués ce serait lesquelles ?
Grand Blanc, c’est d’abord des références musicales. On en aurait mille pour chacun de nous ! Un qu’on ne sort pas souvent c’est Julien Gracq, qui fait parler des univers, des lieux. La langue devient le lieu du roman. la beauté d’une vie c’est le lieu où elle se passe, c’est pour ça qu’on insiste beaucoup sur les lieux, où on va, d’où on vient.
C’est que quand on parle de vous on parle souvent du bassin lorrain.
C’est l’espce de vie imaginaire qu’on a créé pour notre univers, à partir des matériaux qui étaient à notre disposition. On a transposé pour en faire quelque chose qui nous appartient.
On vous réduit souvent à ce bassin industriel…
On l’a peut être cherché un peu. Mais par exemple les premières dates dans le sud (Arles..) ce sont super bien passées, les gens connaissaient les titres. Notre ep a un côté roman initiaque, teinté d’ennui, de frustration, de hargne. De la même manière, on a regardé des films de Tarkovski, Stalker, et même si on n’est pas russe. Avec Nostalghia tu vois qu’un russe peut aussi aller en Italie et reproduire la même chose mystique avec une culture qui n’est pas la sienne. La question c’est d’être sincère, de voir ce qui fait la beauté et l’originalité de chaque chose. Guy Maddin, canadien, a fait un film hommage à sa ville (My Winnipeg), mais une ville rêvée, fantasmée. On seretrouve dans cette démarche de prise de recul – lui sur sa vie, nous sur notre adolescence . Comment on arrive à prendre corps dans un lieu, à l’aimer, à se l’approprier.
On parle de choses très concrètes, les lieux, l’habitation. Pour parler encore plus concrètement, est ce que vous avez des instruments-fétiches, sur quelles machines travaillez-vous ?
Notre mascotte c’est le synthé Roland SH-201. Tout le monde connait le SH-101 mais le 201 est plus léger, avec des sons un peu caryon, un pitch qui réagit aux mouvements qui permet de faire des solos cool et cheap (c’est Camille qui est aux synthé ndlr). Jean Michel Jarre a tourné une vidéo avec ! Il y aussi le Studio Logic, un synthé allemand italien que personne n’utilise. Il est jaune, n’a pas trop de coffre mais on l’adore ! En rythmique on a un HR-16 que le père de Camille lui a légué. Notre réalisateur l’a circuit-bendé (court-circuiter les sons, les rendre aléatoires).
Quelle importance accordez-vous aux visuels de vos live ?
Il y a l’aspiration et la réalité ! On n’a pas d’ingé light. On a cette esthétique froide des groupes de rock dark. On commence à parler de faire une créa sur une future tournée. Pas de rose, pas de vert !
Est ce que vous vous inscrivez dans le renouveau de la new-wave ?
On ne prétend pas à être le renouveau de quoi que soit, on fait avant tout de la pop. Toute la promo de Lescop s’est faite sur cette expression de renouveau new-wave or nous avons emprunté à ces musiques mais on n’en fait pas. C’est comme le groupe Liturgy qui vient de Brooklyn et s’est inspiré du death-metal mais tous les mecs qui adorent le death-metal se demandent ce qui arrive. Nous on écoute aussi de la techno, du hip-hop, on tambouille avec tout ça. On ne veut vexer personne, juste faire notre musique. L’influence et l’emprunt ne doivent pas devenir la définition. C’est comme avec Bashung ou Joy Division, c’est très flatteur mais c’est trop pour nous ! Tout le monde en ce moment essaye de trouver des successeurs et des héritiers de Bashung. Un pote à nous a dit “mais il est l’argent de cet héritage ? Je ne suis pas son fils !”
Vous travaillez beaucoup en collaboration, comment ça se passe, ce sont des amis, des coups de coeur ?
Ce sont des connaissances comme Peter Heinrish, que l’on peut approcher personnellement pour vraiment faire un travail de collaboration.
-Clémence Mesnier
Crédits photo : Eric
Etaient présents à cette table-ronde : ocean of noise ; Little World Music ; Déhiscence (Sandrine Fallacara) ; Tea and Art (Cassandre Thomas)
