Pour ce focus, nous allons nous pencher non pas sur un mais sur deux artistes (dont un groupe), l’un ultra-populaire, l’autre disposant d’une reconnaissance un peu moins vaste mais qui mérite tout autant l’attention. Deux facettes d’un même pays culturellement peu connu, l’Afrique du Sud.
Die Antwoord a récemment colonisé le cinéma dans le blockbuster intelligent Chappie. En afrikaans, Die Antwoord signifie “la réponse”. Réponse extrême, provocante, inspiré des bas-fonds et de cultures alternatives (notamment le courant “Zef”, détournement du ringard). Die Antwoord correspond au monde underground mis à portée de tous. Ninja et Yolandi Vi$$er questionnent les marges, les langues dominantes, les cultures sous-représentées dans un anglais argotique très accentué d’afrikaan.
Univers personnel signé et immédiatement reconnaissable, Die Antwoord appose sa marque de fabrique. Celle-ci passe par l’allure (whitetrash, elle, enfantine et livide, bling-bling obssédée par les rats ; lui, grand, maigre, tatoué de bavures) et l’art du clipage. “Une fois la vidéo réalisée, la chanson nous devient totalement évidente. Nous savons pourquoi nous l’avons faite. Comme si l’image servait de révélateur. ” Musicalement ? Des voix folles, comme sous acide, des beats ravageurs, deux flows hérissants.
Outre leur production musicale, on a aussi vu le duo dans un court-métrage d’Harmony Korine, Umshini Wam (scénariste pour Larry Clark, réalisateur de Gummo et Spring Breakers) :
Lorsque nous en avions parlé à Jannike Bergh, créatrice du site parisoweto, celle-ci nous avait certifié que l’Afrique du Sud ne doit pas être musicalement réduite aux provocations de Die Antwoord (une exagération). Ceux-ci offrent une visibilité, un engouement certain, mais Petite Noir est plus représentatif d’une culture sud-africaine.
Pour reprendre les termes de Jannike Bergh :
“de manière générale, Petite Noir, et aussi des groupes comme Spoek Mathambo/Fantasma, BCUC, BLK JKS et d’autres font partie d’un nouveau mouvement ‘afropolitain’ où l’accent est mis sur la notion du futur, du dynamisme sud-africain où les sons et les images sont propres à ce pays – c’est un beau mélange entre tradition et regard vers l’avenir. Cela reflète une attitude beaucoup plus optimiste chez les jeunes sud-africains par rapport à ce qu’on lira dans les médias (qui peignent une image glauque de notre ‘tapisserie’ de problèmes : criminalité, SIDA, xénophobie, racisme, pauvreté). Bien que ces problèmes soient réels, ce qui fait la part des choses chez les jeunes et les ‘agents’ culturels comme Petite Noir, Tumi Molekane, Spoek Mathambo etc. – c’est que ces artistes ne se définissent pas via ces stéreotypes de souffrance typiquement ‘africaine’. Ils se définissent par une identité forte, fière, débrouillarde, avant-gardiste, créatrice.”
Petite Noir vient de Cape Town avec une musique étrange, fruit d’un mariage entre post-punk, électronique, groove et musique traditionnelle. Noir Wave dit-il. Sa voix veloutée fait vibrer et remplit l’espace. Qu’il soit dansant ou lyrique, Petit Noir est marquant. Son Ep ne se nomme pas The King of Anxiety pour rien.
Petite Noir est nourri de références, ce qu’on voit sur le clip The Fall, inspiré par l’artiste Marina Abramovic :
Son premier tube à être révélé au public fut Disapear :
Passages sur scène des Eurockéennes :
Petite noir le samedi sur La Plage.
Die Antwoord le dimanche sur la Grande Scène.
Merci à Jannike Bergh pour ses informations. N’hésitez pas à vous rendre sur parissoweto.com pour approfondir les références musicales via des playlists.
