Vendredi 22 mai 2015. 21h. La Rodia. Alerte à la bombe : la grande salle a été prise d’assaut par une tribu de percussionnistes déchainés.
Des frappes déchirent le silence d’une salle comble ; la toile rouillée rugit et c’est parti pour deux heures de détonations. Disposés en arc-de-cercle, quinze bidons à la verticale et un musicien derrière chacun. Devant, deux bidons renversés. Au fond, d’énormes totems d’animaux sauvages ont été hissés, un rhinocéros féroce et un crâne d’oiseau au bec architectural. Des ailes s’étendent de chaque côté, encerclant le fond de scène, à l’image du dernier album des Tambours du Bronx placé sous l’égide du corbeau et du rhinocéros. Symboles de nuée et de puissance disent-ils. La lumière est rouge, on se croirait au coeur d’un rite tribal inauguré à chaque reprise par le martèlement des quatre temps symboliques.
Les chamans (on remarquera au passage que les femmes sont exclues de cette assemblée) tournent, changent de poste, se relèvent au top départ des morceaux. On voit des mailloches (des baguettes de batterie version démultipliée) se fêler, voler en l’air, être rapidement remplacées.
Changement pour une lumière bleue. Derrière la crâne de corbeau préhistorique un clavier nuance les battements en les amalgamant, en consolidant les rythmiques par une liaison mélodique. Des samples explosent. Deux espaliers de tubes métalliques sont disposés de chaque côté, desquels sortent un faisceau de sonorités trébuchantes.
De toutes parts des micros sont réglés à différentes hauteurs pour un dispositif de prise de son performant. Les bidons sont martelés, engendrant différentes ondes sonores selon les zones touchées, selon l’épaisseur et la résonance du matériau.
Des moments chantés (Human Smile) donnent à l’ensemble un air “rock” aux frontières du métal (on comprend mieux la réussite des coalitions avec le groupe Sépultura qui ont eu lieu dès 2011). Le Corros (mot-valise issu de la contraction entre un rhinocéros et un corbeau, animal imaginaire vigoureux fait de nerfs et de muscles) a frappé.
Les bidons laissés en attente au premier plan sont saisis, à demi inclinés, espace de jeu chorégraphique et synchronisé. A plusieurs reprises un percusionniste vient au coeur du plateau, présence vaudoue. Les vêtements tombent, la chaleur règnent, les rythmes s’emballent. Que ce soit au micro, par les paroles ou par les actes, les batteurs de bidons maintiennent un contact permanent avec le public (qui restera plutôt timide). Galvaniser la salle, distribuer les mailloches, saluer individuellement le premier rang, faire chanter une spectatrice, faire monter une autre sur scène pour une danse frénétique). C’est une sensation de transe qui nous gagne, d’une pulsation obsédante qui traverse les tympans pour gagner la chair.
Vu la puissance de frappe et l’énergie qui a secoué la scène, nous ne sommes pas étonnés d’apprendre qu’un bidon ne dure pas plus de deux concerts (un par face). Troupe guerrière aux prouesses d’endurance, les Tambours du Bronx ont une nouvelle fois prouvé leur résistance marathonienne dans ce show sans répit.
-Clémence Mesnier
Crédits photos : matériel promotionnel. SARL Tambours du Bronx productions.