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INTERVIEW : SHANNON WRIGHT

Samedi dernier, Shannon Wright, pointure du rock indépendant américain, est venue envoûter de sa voix suave et franche la salle d’Echo Système de Scey sur Saône. Artiste complète – multi-instrumentiste, chanteuse voire performeuse – la ténébreuse Américaine s’est illustrée à la guitare comme au piano avec la maitrise, la fougue, mais aussi la sincérité et l’humilité qu’on lui connait. À l’occasion de ce concert intimiste qui ne manquera pas de rester graver dans les mémoires, nous rencontrons la femme, ou plutôt la musicienne.

SR : Ton dernier album In Film Sound est plus corsé, plus sombre peut-être même plus noise que les précédents. En général avec le temps les groupes s’assagissent, mais toi tu fais l’inverse. Pourquoi ?

Shannon Wright : Je ne sais pas trop.  J’écris, et sur le moment c’est très naturel pour moi. Ça se fait naturellement, par rapport à ce que je ressens à ce moment-là. Je pense que j’aime beaucoup explorer différentes facettes. Je ne saurais pas expliquer exactement comment je procède pour travailler, mais ce qu’il y a de sûr c’est que malgré leurs différences, tous mes albums sont connectés, il y a un fil rouge qui les lie.

SR : Comment sera ton prochain disque ?

Je n’en ai aucune idée. Si, [rire]  je suis en train d’y réfléchir. Ça commence à faire son chemin dans ma tête. Pour le moment je ne sais pas encore exactement ce que je jouerai ni même ce que je chanterai, même si j’ai déjà quelques pistes. J’ai besoin que cela mûrisse encore. J’attends que ça me coupe la respiration avant de commencer.

SR : L’un de mes amis qui est fan, joue de la batterie et a vraiment un faible pour le jeu de Kyle Crabtree (drum),  lui et Todd Cook seront de la partie ?

C’est marrant que tu me poses cette question, parce que figure-toi qu’ils – Kyle Crabtree et Todd Cook – m’ont demandé la même chose il y a tout juste une semaine. Ils voulaient savoir si j’allais les laisser jouer avec moi à nouveau. [Rire]  j’ai trouvé ça adorable : Ils ont essayé de tâter le terrain en me demandant timidement  «  alors heu… on peut jouer avec toi pour ton prochain album ? ». [Rire]   Et j’ai dit oui, parce qu’ils sont adorables et que j’adore travailler avec eux.

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SR : À chacun de tes concerts j’entends des gens dire qu’ils ont les larmes aux yeux ou même pleuré… tellement il y a d’émotions dans ton chant et ta musique. Comment ça se passe pour toi sur scène ? Tu donnes tout chaque soir comme si c’était le dernier ?

Oui. Je crois que le plus important pour moi pendant un live, c’est d’établir une connexion avec mon public. Mais je ne parle pas beaucoup, je ne fais pas d’interventions entre mes chansons quand je suis sur scène, parce que ça ne semble pas naturel. Je donne tellement de moi-même pendant un live que je crois que cela n’est pas nécessaire.

Je ne suis pas dans la démonstration. Je ne fais pas le show. J’essaie d’être sincère, de donner le meilleur de moi-même lors du concert. Bien sûr, chaque soir est différent, et le concert dépend beaucoup de ma relation avec le public, mais j’essaie de créer une relation qui soit le plus intimiste possible en étant moi tout simplement. Je délivre mon concert comme un don de moi, une performance à mon public et je suis heureuse lorsque je suis sur scène, de faire ce don de moi.

SR : Tous ceux qui t’ont vue sur scène en redemandent ! Malgré ça, on connait mal ton parcours en France, comment as-tu commencé dans le monde de la musique ?

J’ai commencé à jouer dans un groupe, mais très vite nous nous sommes séparés. A ce moment-là j’ai failli arrêter la musique par ce que je n’aimais pas du tout le milieu, le côté « business » de l’industrie musicale.  Et puis je me suis mise à rejouer pour ma famille et mes amis. Et ils ont été très encourageants avec moi. Ils m’ont dit «  tu ne devrais pas arrêter la musique, tu devrais faire un album solo ».

Et c’est à ce moment-là que Touch and Go, un label américain indépendant très respectueux des artistes – qui a d’ailleurs signé des groupes incroyables – ont accepté de produire mon album solo. J’ai été très touchée et ça m’a donné le courage de lancer ma carrière.

Quant à ma carrière en France, j’ai commencé en faisant la première partie de Calexico. Et un soir, dans un club alors que je terminais de jouer, un représentant du label Vicious Circles est venu me trouver en me disant qu’il voulait absolument travailler avec moi. Ce qui m’a beaucoup touché. Et c’est la raison pour laquelle je travaille avec ce label-là en France.

SR : Tu tournes seule parfois ;  en l’occurrence ce soir ; est-ce que tu aimes l’expérience du live en solo et pourquoi ?

J’aime vraiment explorer les différentes possibilités qu’offre le live dans sa diversité : jouer en solo, en groupe, c’est à chaque fois une expérience que j’apprécie. Ce que j’aime lorsque je  joue en solo, c’est que c’est plus intimiste, mais j’adore également jouer en groupe, avec une batterie  parce que c’est plus rock’n roll. J’adore jouer du piano et de la guitare… En fait j’aime vraiment les deux, c’est indissociable pour moi : j’aime tous les aspects la musique.

SR : Est-ce que tu vis de la musique ?

Certaines années, c’est plus difficile. La musique, ce n’est pas un bon gagne-pain. [Rire] Je fais ce métier par amour de la musique. Mais ce n’est pas un milieu facile.

SR : Que penses-tu de la jeune génération du rock indépendant ? Est-ce que pour toi il y a des groupes qui prennent le relais ou à ton avis le rock va-t-il devenir une musique de vieux ? 

Non, je ne pense pas que le rock va disparaitre ou même devenir un truc de vieux. C’est tellement important, tellement essentiel. Peut-être pas pour tout le monde, mais particulièrement pour les jeunes, parce que le rock et la musique en général, permet d’être plus ouvert aux choses ; d’identifier, de comprendre et d’exprimer ce qu’on ressent. Notamment la colère et la tristesse. Et ça permet de grandir. Donc non, je suis persuadée que le rock ne s’éteindra pas.

SR : On te compare souvent à Pj Harvey. Peut-être parce que comme elle tu es une femme reconnue mondialement dans le monde du rock indépendant. Mais ne trouves-tu pas que ton style se rapproche plus de celui de la chanteuse/bassiste française Laetitia Sheriff ?

Oui, il s’avère que Laetitia Sheriff est une très bonne amie à moi. Elle a fait ma première partie en France lors d’une de mes tournées. J’ai même été sa batteuse fut un temps. Je l’ai d’ailleurs revue il y a quelques semaines. Je l’apprécie beaucoup. Et, effectivement je trouve que ce que fais PJ Harvey est très bien, mais que c’est un peu facile de nous comparer simplement parce que nous sommes des femmes et que nous faisons de la musique. Ça ne se résume pas à ça. [Rire]

SR : c’est en tant que musicienne toi-même, quelle est, selon toi,  la place occupée/laissée  pour les femmes dans le monde du rock aujourd’hui ? Est-ce que c’est plus dur pour une femme de faire de la musique aujourd’hui ?

Je ne pense pas que ce soit plus difficile de nos jours qu’auparavant. C’est un sujet compliqué pour moi. Par exemple je n’aime pas les festivals spécifiquement féminins, je trouve que c’est ostracisant. Ce que je souhaite c’est d’être considérée et respectée comme musicienne et non juste femme. De plus, je ne cherche pas à séduire sur scène, mais plutôt à être honnête et performante. Je n’adhère à cette idée que le rock est réservé aux hommes, ou qu’il faille mettre les femmes qui en font dans une case. J’exprime mon  féminisme en tant que musicienne en tentant de rester vraie, et authentique.

SR : Qu’est-ce qui tourne sur ta platine en ce moment ?

Ça dépend beaucoup de mon humeur. Je peux écouter du Schubert comme j’écoute le Groupe français Air. J’aime beaucoup aussi le groupe de hard rock Lightning bolt.

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Remerciements : Un grand merci à l’artiste, à Fre Cordier pour sa plume, à Coralie pour sa maîtrise de l’anglais, à Dom Mc Fly pour sa passion et un grand merci aussi aux membres de l’association Au Coin de L’Oreille ainsi que toute l’équipe d’Echo system pour son accueil et sa sollicitude.

Crédit photo : Dom Mc Fly

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