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INTERVIEW : H-BURNS

Lors de sa venue à La Rodia le 11 avril nous avons eu l’opportunité de rencontrer Renaud Brustlein alias H-Burns, qui nous a parlé de Night Moves, de claviers et de David Lynch, pour une immersion dans la mythologie angelinienne (les angelins étant les habitants de Los Angeles).

SR : On imagine bien cet album, Night Moves, composé sur la route, en tournée. Quelle est sa genèse ?

H-Burns : Je ne m’arrête jamais de composer mais je ne crois pas vraiment au mythe de l’immersion physique en tournée pour créer. Par contre je crois beaucoup à la dynamique entre les disques et les tournées, profiter de sortir d’un disque pour l’analyser et avoir d’autres idées qui surviennent, comme un effet boule de neige. Là par exemple, après Off The Maps, je me suis retrouvé chez moi avec un clavier, ce qui m’a ôté les automatismes de composition à la guitare que je pouvais avoir. Je voulais faire l’inverse de ce que j’avais fait avant. Donc tout au long de ce disque il y a un tapis de claviers qui donnent un aspect atmosphérique. J’ai chez moi un petit orgue qui crée des sons de vents, puis on s’est retrouvé avec des Mellotrons chez Rob Schnapf, des vraies bandes de sons. C’est un instrument qui est hyper ludique. C’était vraiment l’idée de cet album, mettre les claviers en avant et donner un côté Mulholland Drive à la David Lynch (notre maison se trouvait là-bas d’ailleurs, et on est passé de nombreuses fois devant chez lui !)

Comment s’est déroulé cet enregistrement chez Rob Schnapf ?

C’était très surprenant de sortir de douze heures d’avion et de reprendre la voiture en inscrivant “4 Mulholland Drive” dans le GPS ! C’était très agréable de perdre tous ses repères. La ville n’est pas comme celles que l’on connaît en France, ou même d’autres grandes villes que j’ai pu voir (Chicago, Toronto…), c’est très résidentiel, étalé, avec beaucoup de quartiers. On a l’impression d’être en permanence dans des lotissements, ce qui est troublant. Puis les studios aussi ont été troublants, on faisait onze heures-minuit chaque jour, à un rythme très étalé, en prenant le temps. Il faut accepter cette coolitude là. Ça met dans des dispositions qui détendent. On composait chanson par chanson, en passant trois ou quatre jours sur une seule. On prend les textes, on cherche la montée dramatique, on étudie le storylling et comment adapter la musique.

Tu parles d’histoire, de narration. Est-ce que tu as conçu cet album comme un tout, un album-concept, ou plutôt comme des vignettes séparées ?

il faut s’approprier des concepts techniques c’est pourquoi je suis allé à des conférences en amont sur les tremblements de terre pour avoir du vocabulaire, de la matière. Pour aller au bout d’une métaphore il faut la maîtriser. Ca a été le fil rouge. Mais effectivement, travailler chanson par chanson est comme un programme de court-métrages c’est-à-dire que l’on cherche une cohérence entre les courts que l’on met ensemble mais en même temps il faut être capable de partir d’un point A pour arriver à un point B dans un morceau, ce qui est une approche pop finalement. En trois minutes trente il peut se passer un monde ! Les atmosphères musicales vont servir cela. Cet album, ce sont plein de petites histoires avec un fil rouge.

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Pour ton album précédent, autour de la cartographie, tu avais beaucoup lu Jorge Luis Borges. Qu’as tu lu pour celui-ci ?

J’ai moins lu mais j’ai plus regardé pour celui-ci. Auparavant j’avais beaucoup lu les écrivains de Los Angeles, Bukowski, Fante – Demande à la poussière est un chef-d’œuvre absolu– et Ellroy. On est allé dans les diners où Faulkner a écrit ses bouquins. Los Angeles est une ville récente mais déjà très chargée artistiquement. David Lynch, bien sûr, qui lui est associé, dont j’ai revu tous les films. Et le glamour hollywoodien, qui, quand on y est, ne l’est pas tant que ça. Hollywood Boulevard a un côté très glauque, des mecs déguisés en spiderman font la manche, les étoiles sont pourries. On dirait un terrain de jeu décadent. Ca ne m’étonne pas qu’Elliott Smith ait hanté les studios. On sent pourquoi il est possible de tomber dans la déchéance (je pense aux Doors aussi). Rouler la nuit en passant devant les clubs de strip-tease et les tacos-trunck font vite comprendre cet envers du décor !

Si cet album devait être la bande-originale d’un film, lequel serait-ce ?

Un film de Jeff Nichols, qui est l’un des cinéastes les plus intéressants à l’heure actuelle. Take Shelter dans une grande ville ! Le disque n’a pas de côté « campagne américaine » mais plus « mégalopole la nuit ». Son premier film, Shotguns Stories est un bijou absolu.

Tu es un grand fan d’Elliott Smith. Cette année, un tribute to Eliott Smith est consacré à Figure 8 au Printemps de Bourges. Si tu devais y participer, que ferais tu ?

Déjà je n’aurais pas choisi cet album ! J’aurais pris un album plus Lo-Fi comme Either/Or, mon préféré. Je creuserais avec des instruments, du vieux matos qui souffle, comme ce qu’il faisais chez lui. Pour la première de cette album, Speed Trial, la caisse claire est réalisée avec une vieille casserole ; je monterais un concept autour de ça avec des semi-instruments.

Le label Vietnam (du groupe So Press) te suit assidûment. Comment est-ce que se déroule cette collaboration ?

On leur a envoyé mon troisième album, We Go Way Back, ils ont adoré et ont proposé de réaliser un clip gratuitement. Mes maquettes étaient prêtes, je cherchais des partenaires financiers en ayant le projet d’aller chez Steve Albini et ils avaient l’air d’être prêts à aider. Ils m’ont demandé combien ça coûtait, on a regardé sur un site en ligne de devis. Mille dollars par jour. Il faudrait y passer dix jours. Trois mails, un quart-d’heure et tout était joué, ils étaient partants ! Deux jours plus tard le label Vietnam était créé, exprès pour ce disque.

Que penses-tu des musiques électroniques qui se développent actuellement, alors que tu restes très attaché à l’acoustique ?

Mes goûts ne se portent pas sur ces musiques-là ; néanmoins j’ai conscience qu’il y a de la qualité. Je n’ai pas cette culture, je n’arrive pas à être une éponge sur tous les styles musicaux. Par exemple j’ai un peu de jazz chez moi mais je sais que si je voulais vraiment me plonger dedans mon cerveau ne peut pas se démultiplier, je fais donc en fonction de ce qui me touche le plus. Je viens de Grenoble et il y a un public fou qui est drainé par cette scène. Ça me gène lorsque les mecs sur scène ne sont que derrière un mac, tout comme j’aurai du mal à voir un MC avec des types derrière qui passent des CDs en levant les bras. Mais quand c’est The Roots, qu’ils arrivent à quinze sur scène en étant des musiciens qui savent tout jouer, là ça m’intéresse. Dans l’électro il y a donc des possibilités de faire du live, je pense à ce groupe qui cartonne, The Avener. Une de mes amies, Phoebe Killdeer, chante sur Fade Out Lines, qui était au départ une petite ballade pop-rock très classique. En live ils sont dix sur scènes, deux batteries, des claviers de partout. C’est pareil avec Ez3kiel. À partir du moment où il y a une démarche artistique de live je peux tout écouter !

Toi, tu as toujours les mêmes musiciens depuis le début ?

Non. Mon guitariste Antoine est là depuis quasiment le début (le deuxième album, avant j’étais tout seul). Là j’ai un nouveau batteur, Yann, et Rémi au clavier qui joue dans Syd Matters.

Ta pochette a un noir et blanc semblable à celui du Believers d’Auguste Arthur Bondy. Comment as-tu travaillé l’image ?

Il y a plus de hors-champ sur Believers ; pour Night Moves c’est une image en action. Avec le single ce sont des arbres droits et sur l’album il y a un mouvement, on voulait une construction en diptyque. Voir ce qui se cache derrière les apparences lisses de Los Angeles et des relations humaines… Voilà un double niveau de lecture.

-Clémence Mesnier

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 En remerciant Renaud Brustlein pour sa patience et ses réponses, La Rodia pour l’accueil et Le Cri du Corbeau pour l’organisation générale de cette date.

Crédits photos : Jean-Cyril Daenekyndt

 

 

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