Barbara Lehnhoff et Aris Bassett est un couple à cordes : elle à la basse, lui à la guitare, tous deux chanteurs/compositeurs. Épris l’un de l’autre à la vie comme à la scène et accompagnés de leur fidèle batteur, c’est affublé d’une tournée longue comme mon avant-bras que lors d’une interview au Bikini Test, ils acceptent de faire un détour par Besançon, pour nous montrer de quel bois ils se chauffent. À en croire la température sous le capot de la DS, ils ont encore touché la corde sensible hier soir, aux Passagers du Zinc. Retour sur le parcours de ce groupe solaire.
SR : Avec Thrill Addict, on a l’impression d’une continuité avec White Death & Black Heart, bien que le dernier semble moins rock, plus planant, spatial. C’est ce que vous aviez envie de faire ? Générer une atmosphère plus dark, un peu mystique ?
Barbara : Je crois que ce n’était pas planifié d’arriver à cela, c’est plutôt une conséquence de ce qu’il se passe dans notre vie, au moment où nous sommes en train d’écrire des chansons. C’est un album qu’on a principalement écrit lorsque nous étions en train de voyager. Ça découle de ça.
Par exemple on s’est demandé quelle musique on aimerait écouter lorsque nous serions en train de voyager.
SR : C’est un peu la musique pour le road trip ?
Barbara et Aris : Oui voilà.
Aris : Oui, et puis je pense que lorsqu’on à fait l’album White Death & Black Heart, il en est sorti quelque chose de plus énervé. Et parfois tu as aussi envie de faire autre chose. Et puis en live, malgré le fait que les chansons soient plutôt calmes on cherche à leur donner l’énergie du live. C’est pas la même chose. On aime beaucoup avoir un album très calme et un live beaucoup plus explosif.
Barbara : Je crois qu’avec cet album, on sent plus la différence entre le disque et le live. Parce qu’avec le live, il y a quand même le rapport avec les gens. Il y a une synergie, l’énergie aussi.
Aris : On s’est dit qu’on voulait faire quelque chose d’un peu plus pop. À notre manière. Parce qu’on écoute aussi beaucoup de pop ainsi que pas mal d’autres musiques. Des fois quand tu joues beaucoup, tu vois un ou deux concerts. Et surtout en France, on joue beaucoup avec des groupes de la scène Noise. On aime bien mais au bout d’un moment on a besoin de quelque chose de plus posé. Et on s’est rendu compte que quand on voyage, on a besoin de musiques plus calmes. Pareil à la maison on écoute des morceaux très calmes, on ne veut pas écouter de choses trop violentes. Et peut-être que ça nous a influencé. Mais je pense que c’est une conséquence naturelle de White Death & Black Heart. Car pour nous ce serait ennuyant de faire toujours la même chose. Nous avions envie de faire cet album à ce moment-là, et nous avons fait ça. Pour le prochain album, peut être que ça sera très différent.
SR : On y retrouve la thématique du voyage et de l’espace. Des thèmes qui vous tenaient à cœur ?
Aris : On est influencé par notre relation : on – Barbara et Moi – est tout le temps ensemble. On fait tout ensemble : les concerts, le dîner…
Barbara : le petit déjeuner, les CD, les T-shirts…
Aris : On aime aussi l’idée d’un espace universel. Je pense qu’on est un peu de doux rêveurs. Oui, on a des problèmes avec la réalité.[Rire] Mais je pense que faire de la musique qui a des connexions avec ce genre de chose pour nous c’est important. C’est un peu comme être à la maison.
SR : Quoi qu’il y a High fever. Ce titre est vraiment dans la lignée de ceux de White Death & Black Heart. La mélodie est efficace et le rythme méticuleux. Comment avez-vous composé ce morceau par rapport aux autres ?
Aris : On voulait aussi avoir un album avec des variétés de chansons. Avec des chansons que tu peux écouter le matin quand tu te réveilles, et puis cette chanson avant le repas. Cette chanson pendant la nuit. On voulait toucher un peu des émotions différentes. On aime bien avoir des titres très calmes, d’autres un peu plus mouvementés.
Pour High Fever, on n’a pas vraiment décidé en se disant “tiens, il nous manque cette chanson”.
SR : Vos clips sont plutôt déjantés. Il y a comme un côté socio philosophique dans tous ces rapports humains filmés sans voix. Comment définiriez-vous votre univers visuel ?
Barbara : C’est vraiment la même chose que la musique. C’est une version imagée de notre musique. Des fois on étiquette notre travail comme étant de l’Art Punk, mais pas parce que nous sommes des punks, Mais parce que c’est une attitude Art Punk. Comme toutes les choses qu’on fait. Pour nous Peter Kernel un tout, c’est quelque chose de très complet : on fait l’image, le son, des T-shirts. On ne pourra jamais faire seulement de la musique, et pas faire de clip.
Aris : Les clips et la musique se compensent, et communiquent.
SR : Oui, ça crée du sens !
Aris : Par exemple, si la musique est très triste, on fait un clip avec quelque chose d’heureux, ou de stupide. Mais ce n’est pas pour singer le truc, parce qu’il y a quelque chose quand tu mets en relation quelque chose de stupide et l’émotion profonde, la tristesse ou la dépression. C’est intéressant le mix entre les deux.
On joue beaucoup avec ces deux types d’émotions. Qui, si tu regardes, au début tu dis, ça ne marche pas des fois c’est bien. Et pour nous c’est amusant et ça nous permet aussi d’exorciser nos peurs, notre dépression, nos angoisses.
Oui c’est surtout ça, exorciser ces choses, et les faire devenir un peu amusantes, avec des vidéos et tout ça.
SR : Il y dans votre musique une certaine invitation à la transe. J’imagine que cela vous touche aussi sur scène. Comment gérez-vous ça en live ?
Barbara : Je crois que la seule raison pour laquelle on fait tout ça, pour laquelle on fait les disques, pourquoi on fait le graphisme, pourquoi on achète le I-mac, pourquoi on met à jour facebook et tout ça… C’est seulement pour arriver à faire le moment live. On est pas un groupe qui pourrait sortir des albums et ne pas faire de live. C’est la chose la plus importante pour nous.
Aris : En temps normal nous sommes des gens assez timides, mais en live il y a comme quelque chose qui se produit. Il y a une énergie si forte que notre corps produit de l’endorphine et tout ça. De même si on est malade, ou un peu triste, il y a quelque chose qui te donne du bien-être.
Lorsqu’on a découvert que ce phénomène se produisait quand on montait sur scène, on s’est dit « ouais, on doit faire ça ! Et on doit jouer beaucoup » [Rire]
Barbara : On s’est demandé « comment on fait pour jouer beaucoup ? ».
Aris : Et chaque concert est vraiment différent, et les émotions varient d’intensité en fonction de la chanson, dans tel club, avec tel public… Parfois ça arrive qu’on n’arrive pas à connecter avec les gens, ou qu’ils ne soient pas intéressés par le concert. Mais pour nous on cherche vraiment à tout donner. Même si il n’y a qu’une seule personne dans le public.
Aris : Oui, c’est arrivé qu’il n’y ait pas beaucoup de monde. Au début, quand on jouait dans de petite salle ou des festivals à l’heure de midi et il y avait quatre personnes. Mais on était très heureux de jouer pour elles, car ce sont quatre personnes très importantes, et grâce à ces quatre personnes on a fait quatre concerts.
SR : Quels sont les groupes qui vous ont influencés, et ceux qui vous ont donné envie de faire de la musique ?
Aris : Nirvana. Pour moi ça a commencé quand j’ai vu des vidéos, des Lives, des choses comme ça…j’ai été impressionné. J’ai dit « Ouah ! » [Rire]
Barbara : Quickspace.
Aris : On adore Quickspace, et aussi parce que ce sont des fans d’Ennio Morricone. J’aime beaucoup ces choses-là. Un peu western.
Crédit photo : C. Mesnier et J. Herzog
Un grand merci à Aris Bassetti et Barbara Lehnoff ainsi qu au PDZ et Dom McFly, sans qui ce concert n’aurait pas eu lieu.