Date imprévue tombée au coeur de leur tournée et décidée lors de leur passage au Bikini Test, les Peter Kernel ont fait un crochet par Besançon. De quoi faire du public bisontin des obsessionnels du tremblement au son de leur très élaboré Thrill Addict.
Ils sont trois sur scène, Barbara Lehnhoff, Aris Bassetti et leur batteur (le trio se qualifiant de nationalité “suisse canadienne de la partie mexicaine”), commençant de façon très douce et sourde sur un lumière mi-rougeâtre mi-rosâtre. La voix de Barbara, lorsqu’elle vient creuser celle d’Aris, marque l’augmentation du rythme. La batterie pulse de plus en plus intensément. Barbara fait signe au public de se rapprocher, instaurant une proximité intime qui brise la scission scène/salle. On avait été marqué par des clips dérangeants sans être choquants, bruts mais débordant de trouvailles. Ces qualificatifs de leur univers visuel, on peut les retrouver dans leur live, simple, brut, mais troublant. A l’image de leur pochette d’album, leur musique est sans retouches ni fioritures. Pas d’effets visuels tape-à-l’oeil, pas de démonstration virtuose mais une performance sincère et chargée d’émotions. Sur cet album les chansons se succèdent comme les jours dans un carnet intime. A la fin du concert, Aris nous dira qu’ils se “disputent” sur scène dans une longue discussion à bâton rompus, à laquelle nous assistons. Pas de politique, pas de chanson à texte ni de revendication mais l’intuition, les impressions et le partage.
Sur leur pochette d’album, leur deux visages semblent être en apnée, saisis dans un scanner. Une parenthèse, un sas pour reprendre sa respiration, voilà la fonction des performances de Peter Kernel. D’enfantins “lalala” en cris de douleur, les voix transitent par de nombreux registres. Mais ce qui prime, c’est l’interaction, le lien ; le concert comme moment unique d’échange entre les artistes eux-mêmes et entre eux et le public. Les interludes sont ponctués de plaisanterie, chacun se charrie. Aris ne cesse de demander si nous avons des questions. Car ils ont des réponses, c’est certain, réponses dénuées de mots et d’alphabet. Nous sommes réquisitionnés pour faire office de delay, nous sentant le temps de quelques secondes tels des “professionnels amateurs” pour paraphraser Aris. Le set passera par la dorénavant culte It’s gonna be great pour un instant d’apesanteur avant de s’achever sur un High Fever vorace en énergie. Bien entendu, nous n’en avons pas assez ; ce sera donc sur We’re not gonna be the same again et This is Love que la soirée prendra fin, en invitant les plus exaltés à venir se déchaîner à leur côté.
Maintenant, nous voilà dans l’attente de la double face du duo avec Camilla Sparksss, qui, espérons-le, sera de retour au plus tôt de ce côté de la frontière.
On mentionnera également une ouverture de soirée trop courte par Viruuunga, duo basse/guitare progressif proférant un univers plutôt sombre et très hypnotique dont Catastrophe est l’un des morceaux les plus lunaires et apaisant que l’on ait entendu ces derniers temps.
-Clémence Mesnier