“Tonight was the night”. telle pourra être la conclusion de cet article après avoir vécu l’un des concerts les plus mémorables tant Neil Young et son groupe Crazy Horse ont su composer en compagnie d’un ciel littérallement déchaîné une prestation unique, généreuse, résolument rock. Dantesque, diront certains. Retour sur la soirée du 23 juillet 2013 au Paléo Festival de Nyon.
A peine remis de nos pérégrinations Montreusiennes (icietlà), on continue notre tour des festivals helvétiques. On ne connaissait pas le Paléo si ce n’est de nom. De renom surtout, car le festival suisse est l’un des plus fameux d’Europe et l’un des plus fréquentés avec ces 240 000 visiteurs.
Après quelques heures de route, l’accès au site est facile, l’accueil presse est efficace, le soleil brille, les shorts des filles sont courts. Ca se profile donc tout à fait bien et Sophie Hunger, qui joue à domicile, ouvre le festival sur la Grande Scène. Portant une robe noire et des talons rouges, la chanteuse délivre non sans un certain charme un set punchy, à base de guitares électriques soutenues par une violoncelliste discrète mais efficace et un tromboniste tatoué partout et efficace.
Un passage au stand “houblon fermenté”, une balade dans les nombreuses allées du site, un hamburger, des frites puisLou Doillon.
La Parisienne offre aux festivaliers une prestation plutôt convenue et force sa voix nasillarde. Une voix qui convainc davantage sur disque. Au milieu du set, elle propose une relecture du classique des Clash à la limite du supportable.
Mais l’heure est à l’installation vers le devant de la scène Le Détour pour assister au concert du duoTwo Gallants.
Après avoir été annoncés par une MC (c’est la coutume ici), les Californiens – débardeur et short – démarrent leur set avecI’m So Depressed, un titre qui figure en bonus de leur nouvel album,The Bloom And The Blight. Le début du morceau est plutôt calme, atmosphérique mais avec Two Gallants, ça ne dure jamais longtemps. La tension garage rock prend le dessus et les arpèges de guitare aux sonorités parfois country se transforment vite en riffs et accords implacables. La voix du guitariste Adam Stephens a ce timbre éraillé des vieux bluesmen et Tyson Vogel, derrière ses fûts, lui répond parfois dans une belle harmonie. Le morceau est à l’image du concert qui va se dérouler. Une enfilade d’accords et des motifs de batterie très expressifs et nerveux pour des morceaux à tiroirs. Les deux musiciens donnent un répertoire généreux, fait de nouveaux et d’anciens titres, deLas Cruces JailàHalcyon Daysqui clôt le concert. L’un des meilleurs titres du duo,Ride Away, avec ses syncopes et ses riffs plombés, dévoile l’une des probables influences du groupe, Black Sabbath. Malgré un interlude piano-guitare peu convaincant mais qui calme le jeu un temps, le concert de Two Gallants confirme le talent de ce duo méconnu, riche de leur dialogue guitare-batterie décidément unique.
Retour à la grande scène où nous ne savons pas encore que l’on va vivre l’un des moments les plus indéfinissables d’une vie de concerts. Drapeau à l’effigie de Crazy Horse, totem indien à droite de la scène, pavillon noir hissé au dessus de la batterie, l’impatience grandit. Et alors le Loner et son trio légendaire prennent possession des lieux. On reste un moment sans réaction de voir cette légende devant nous, dont les tournées se font finalement de plus en plus rares.Love And Only Lovecommence le show et on découvre cette photo tant de fois vue, celle du trio Young-Talbot-Sampedro réunis en cercle devant la batterie de Molina. En découle une alchimie parfaite, un leader et son “backband” d’où ressort un feeling inné au son inimitable. Un son parfaitement rendu par la configuration des lieux, dans cette amphithéâtre naturel. Retour à l’époque deRust Never Sleepsensuite avecPowderfingeravant qu’on ne nous fasse avaler une grosse pilule.Psychedelic Pilldonc, pour faire honneur à la dernière production studio deNeil Young & Crazy Horseavant unWalk Like A Giantimmense. On sait que le Loner fait ce qu’il veut et n’a que faire des codes. Alors il balance ce titre épique, une déflagration sonore de 15 minutes qu’il étire au possible pour se terminer sur un final noisy sur fond d’un vieil enregistrement sonore datant deLive Rust. “Stop The Rain” peut-on entendre alors que se projette sur la scène un faux orage en forme d’interlude. Un orage qui, sans le savoir, est prémonitoire.
On est alors étonné de voir les musiciens quitter la scène pour laisser le Canadien seul avec sa guitare et son harmonica. L’échine est parcourue de frissons quand celui-ci commence Heart Of Gold. C’est tout simplement magique. Un titre de légende pour un artiste de légende. Le mini-set acoustique nécessaire après cette première heure de déflagration sonore qui se continue avec la reprise de Dylan, Blowin’ In The Wind, totalement réappropriée et la non moins classique Comes A Time.
Le Crazy Horse rejoint alors la scène pour un titre inédit (Singer Without A Song) et on sent l’atmosphère changer. Le vent se lève. Des éclairs sont visibles au loin… Et là un moment surréaliste va se produire. Neil lance les premières notes de Like A Hurricane et comme si elle n’attendait que ça, la pluie se met à tomber. Il pleut à verse et les éléments semblent obéir au Loner. A chaque reprise du solo et du refrain, des litres d’eau tombent sur nous de plus belle. Comme s’il était conscient de ça, Neil Young étire la chanson, dépassant les 20 minutes, la pluie répondant aux coups de boutoir de Old Black. Un instant figés par ces trombes d’eau, on réalise ce qui est en train de se produire alors que presque les 3/4 du public quitte les lieux. On reprend, quant à nous, en choeur Like A Hurricane, totalement déshinibés et en totale régression. Après tout, il ne faut pas avoir peur de l’eau car même si l’on rouille, on sait que “Rust Never Sleeps”.
On se retrouve ensuite devant la scène pour le final de ce moment d’anthologie. Dantesque est un mot bien choisi, finalement. Rockin’ In The Free World. Tout le monde se lâche, les vêtements collés à la peau ou torse nu, les pieds dans des torrents d’eau et reprend cet hymne libérateur. Le groupe semble aussi totalement ressentir ce qui ressort du peu d’audience restante et envoie encore et encore ce refrain fédérateur. Toute chose à une fin et même si Neil Young est prêt à enfourcher sa guitare pour une dernière chevauchée, on lui fait comprendre que malheureusement eu égard aux conditions, il est préférable d’arrêter. C’est donc le moment pour son “cheval fou” et lui de venir se mouiller pour rester un instant et remercier ses fans. “Tonight was REALLY the night”.
On repart trempés jusqu’aux os, groggy et incapables de décrire ce que l’on vient de vivre. C’était vraiment, comment dire, legend… wait for it… dary. Legendary !
La conclusion de ce premier jour de cette édition 2013 du Paléo : Neil Young l’a si bien dite: “Keep On Rocking In The Free World”.
– F. & S.
(c) 2013
Crédits photos Sophie Hunger : Samuel Fromhold/Neil Young : Alexis Voelin.
Pour retrouver le concert de Two Gallants en streaming >> http://liveweb.arte.tv/fr/video/Two_Gallants_Paleo_Nyon/