Virgin Records/Universal/2014
À seulement 28 ans, Jamie T aurait pu se complaire dans le succès déjà retentissant que lui ont apporté Panic Prevention et Kings and Queens – deux premiers albums encensés, à juste titre, par une critique unanime. Au lieu de ça, le jeune multi-instrumentiste revient avec Carry On The Grudge, un album rock qui vous prend aux tripes ; et s’impose, avec autant de brio que d’humilité, comme l’un des artistes les plus authentiques de sa génération.
Dès son premier album, Panic Prevention en 2007, Jamie Treays s’était d’emblée voulu poète désabusé : des éclats dans les yeux, il s’était fait le commentateur et caricaturiste d’une Londres exubérante, à peindre des portraits sur le vif, avec des titres comme Sheila et Calm Down Chérie. Il en va de même pour Kings & Queens, 2009, un second album, plus construit et moins fougueux que le premier (368 ), dans lequel le jeune Anglais nous livre la peinture engagée et acerbe, d’une jeunesse britannique aussi indomptée qu’égarée ( Sticks ‘Stones). Pour ce troisième album, fidèle à ses principes, le chanteur n’a rien perdu de son songwriting et continue de transformer la plus banale des histoires en hymne universel.
C’est très clair dès le premier titre Limits Lie, tout en chœurs étouffés et en éclats de voix déchirants, qui alternent entre slides de guitare lents et effleurements de corde très folk. Le chanteur évoque la douleur de la perte de l’être aimé par les figures de style qu’on lui connait : « I’m straight to the vein » / Je suis une hétéro à la veine. « Remember me forever, I’m the weather, My tears are the rain. » / Souviens-toi de moi pour toujours, je suis le temps, mes larmes sont la pluie. » De même, le clairsemé The Prophet est le portait d’un pauvre junkie qui s’est fait jeter dans la rue. Et il y a encore, Trouble, « je le sens des pieds à la tête, il y a du grabuge dans la rue ». Au niveau composition, Jamie T conserve un goût pour le mélange des genres savamment orchestré et c’est tant mieux. Toujours un pied dans le rock il le teinte tantôt d’accents pop (Zombie), tantôt reggae (Rabbit Hole) . Tout en restant très folk et voir un peu bluesy – avec beaucoup de ballades : Mary Lee, Love Is Only A Heartbeat Away, Murder of Crows, They Told Me It Rained émouvantes aux larmes – . Il est même un peu haineux dans Peter, titre pour lequel il éructe son texte sur des morceaux de guitare électrique grunge.
L’album laisse émerger quelques pépites rock comme Don’t You Find – au rythme lent, mais intense, oscillant entre gimmicks de guitare, chant poignant où Jamie détache chaque parole, et chœur de femmes dans les refrains – Trouble, dont le chant presque rapé – qui rappelle son second album – vient poursuivre sa course au son de la batterie, le long des cordes rugueuses de la guitare.
Comme pour témoigner de cette qualité d’alchimiste qui lui permet de faire de l’or avec rien, Jamie T signe un album puissant et engagé, dont la pochette – qui donne des allures de peintures du siècle à banale image de femme pauvre allaitant son enfant dans une masure – vient rappeler la ferveur.
Artiste : Jamie T
Album : Carry On The Grudge
Date de sortie : 26 septembre 2014
Genre : Indie pop rock
Catégorie : Album rock